INTRODUCTION
Dans le champ épistémologique comme
dans le champ général, le problème qui se fonde sur la connaissance est capital, car il a fait déjà
couler beaucoup d’ancres quant à sa compréhension, à son acquisition et à sa définition. Nous inscrivant dans la
même orientation, nos efforts, provoqués par les séquences docimologiques, nous
orientent à nous intéresser aussi à ce problème scientifico-philosophique. La
notion de connaissance n’échappe pas à celui qui s’intéresse à
l’épistémologie. Et cette question de
la connaissance oblige toujours à rechercher
et à approfondir les moyens de son acquisition. C’est ce qui justifie notre volonté
d’élargir notre exercice scientifique en y intégrant l’une des formes extrêmes
d’acquisition, le scepticisme. Mais
nous ne privilégions pas cette forme de connaissance par rapport aux autres, tout
simplement parce qu’elle paraît plus courante que les autres que nous l’estimons
digne d’analyse. Cela étant, nous avons cru circonscrire notre canevas de la
manière suivante :
Dans
la première partie, la pertinence de notre inquisition résidera d’abord
dans la tâche de dégager et de définir, avec Roger VERNEAUX[1],
l’essence « connaissance » dans toute sa pureté, ensuite recenser
impartialement les formes principales que la connaissance peut revêtir. Dans la
seconde partie, nous trancherons une position critique sur le scepticisme en
passant par un détour analytique clair et approfondie dudit phénomène. En
dernière partie, nous donnerons notre point de vue en examinant le scepticisme
par rapport à la connaissance.
I.
LA
CONNAISSANCE
1.
Définitions
et l’être du connaître
Du latin cognitio,
« action d'apprendre », la connaissance est une activité de l'esprit
par laquelle l'homme cherche à expliquer et à comprendre
des données sensibles. Avec Roger Verneaux, il est difficile de donner une
définition vraiment essentielle et générale de la connaissance. Depuis les
Présocratiques, les hommes se sont investis dans l’exercice de la connaissance
du cosmos; Aristote pour sa part en parle clairement dans son premier livre de
la Métaphysique (la connaissance est un appétit naturel de l’homme). Descartes,
lui, le centre sur la conscience, ce qui est aussi le cas d’Emmanuel Kant. C’est
dire que la définition de la connaissance est trop discutée.
Avec R. Verneaux, risquons cette définition : « la connaissance est un acte, spontané quant
à son origine, immanent quant à son terme, par lequel l’homme se rend intentionnellement
présente quelque région de l’être»[2].
Ainsi la connaissance est une manière, une espèce pour l’homme d’exister
(tout est de l’être). Mais quelle espèce d’être est le connaître ? La
connaissance est un acte. Elle n’appartient pas dans la catégorie de l’action,
mais de la qualité. La notion de la connaissance n’implique ni temporalité, ni
changement. Le mouvement est passage de la puissance à l’acte. Et sans doute, il
y a mouvement toutes les fois que l’homme passe de l’ignorance à la connaissance,
ou d’une connaissance à une autre. Mais la connaissance n’est pas le mouvement,
elle est l’acte auquel est ordonné ce mouvement. La spontanéité de l’acte est évidente, mais il s’agit as d’une
spontanéité absolue. Quand nous disons que l’acte de connaissance est immanent,
cela signifie qu’il n’a pas d’autre fin que son exercice même, et qu’il
perfectionne le sujet qui l’exerce.[3] La
connaissance est un acte intentionnel équivaut
à dire qu’elle rend présent à une
faculté quelconque être en tant qu’objet.
L’intentionnalité n’est donc pas autre chose que la connaissance même, la
relation sujet-objet.
2. Formes spéciales de la connaissance
Faire une encyclopédie de
connaissances humaines est impossible. Nous nous limiterons à recenser les
modes principaux de la connaissance.
§ Le discours : la
déduction est une forme du discours (Descartes), un discours qui va passe d’une
connaissance obtenue grâce à la première. Il s’agit ici d’un mouvement logique
de la raison. Ce qui veut dire que tout raisonnement est un discours
§ L’intuition : l’intuition
naît des lumières de la raison (Descartes), une connaissance du troisième genre
(Spinoza). Le terme de l’intuition est emprunté à la vue, ce n’est que par
analogie qu’on l’étend à d’autres sens. Pour déblayer le terrain, il faut
écarter avant tout le préjugé cartésien qu’une intuition doit être claire et
distincte (indubitable), car il arrive de fois que l’on voit mal, ou l’on ne
voit pas clairement. Ce ne sont pas là les caractères essentiels d’une
intuition, car rien ne s’oppose qu’elle soit obscure et confuse. Le caractère
essentiel de l’intuition n’est pas la clarté, mais plutôt sa présence à une
faculté. Elle est donc une appréhension
rapide de l’intelligence.
§ L’expérience : il
faut entendre par expérience ici le mot latin experiementum ce terme peut être pris dans un sens équivalent à
l’intuition. En empiriste, on parle d’expérience mentale. Et ce sens renvoie à
l’expression intuition des existants. C’est aussi l’expérience d’un homme
d’expérience. C’est l’expérimentation (expérience orientée) est à la base des
sciences naturelles.
§ La raison : Tout
le contenu de la connaissance est a posteriori. Ce qui constitue l’expérience
d’un homme d’expérience, c’est la mémoire qui enregistre et reproduit les
diverses données de sens.
Ainsi comprise, passons
à présent à l’examination de la position sceptique de la connaissance.
II.
LE
SCEPTICISME FACE A LA CONNAISSANCE
En jetant un coup d’œil sur
l’histoire de la philosophie occidentale,
on perçoit comme une oscillation entre le dogmatisme et le scepticisme.
Les Physiologues se lancent dans la tentative d’expliquer la nature, mais
bientôt surviennent les Sophistes qui font table rase d’un siècle de travail. Platon
et Aristote construisent un système puissance de l’esprit humain, Pyrrhon
apparaît en recommandant le doute comme sagesse. Les médiévaux perfectionnent
la pensée ancienne, mais à l’aube de la modernité Montaigne ressuscite le
scepticisme grec. Descartes relance la métaphysique, mais Hume dissout le
cartésianisme par le scepticisme. Kant construit son système, le positivisme le
détruit, Même chose avec l’hégélianisme.
De cette analyse, nous pouvons définir de
façon globale le scepticisme comme le
mouvement de dissolution d’un dogmatisme. Mais il faut souligner qu’il
existe différentes formes et différents niveau de scepticisme. Pour bien
prendre connaissance du scepticisme, il est mieux de remonter à l’ancienne
Grèce.[4]
a)
Les
écoles
§ Le pyrrhonisme : la
forme extrême et héroïque se trouve chez Pyrrhon[5],
lui qui a tenté de vivre un scepticisme absolu. Sa devise « pas plus »ou
« pas plutôt » comme pour dire « pas plus oui que non pas plutôt
ceci que cela ». Ne rien croire, s’abstenir, vivre une complète
indifférence. Son but était d’exhumer l’homme, le dépouiller de son humanité.
§ Le probabilisme : le
représentant est Arcésilas et Carnéade ; rien n’est évident, nous ne
sommes jamais assurés d’être dans la vérité, nous n’avons que des vraisemblances
et des probabilités.
§ Le phénoménisme : c’est
le scepticisme classique d’Aenésidème. Ici l’on consent aux apparences, les
seules réalités présentes à la conscience et s’imposant à elle. Ex : J’ai
froid. Fait-il froid ? Je ne sais pas !
§ L’empirisme :
la dernière étape du scepticisme. C’est ce qui chez Sextus empiricus : le
développement logique du phénoménisme. Si on admet les phénomènes, il faut
qu’ils soient observables.
b)
Arguments
du scepticisme
Il
existe une infinité d’arguments sceptiques parmi lesquels nous ne retiendrons
que les principaux
i.
Les
contradictions : (c’est l’argument le plus frappant et
le plus simple, tous les sceptiques s’en servent) les philosophes ont montré
dans leur système plusieurs contradictions par rapport à ceux des autres, et
plus largement la diversité des opinions humaines. Sur aucun sujet tous les
hommes ne sont d’accord. Qui a raison ? Impossible de trancher, sinon on
augmente par sa position un autre élément de problème.
ii.
Les
erreurs : très spécialement les erreurs de sens,
les rêves, les hallucinations, l’ivresse, la folie… Comment s’assurer de n’être
toujours trompé ? Impossible parce que ce qui nous semble évident ne l’est
pas nécessairement et l’erreur s’impose en notre esprit plus fort que la
vérité.
iii.
La
relativité : la relativité de la connaissance est l’argument
le plus profond, mais biffourchu. D’abord que toutes chose est relative à
toutes les choses, car rien dans l’univers n’est isolé, séparable des autres.
Impossible de connaître une chose sans connaître toutes les autres. Mais
personne ne prétend tout savoir. D’autre
part, l’objet de connaissance est relatif au sujet (un individu de telle
institution, de tel âge, dans tel état de santé, dans telle situation…).
Impossible donc de connaître ce que les choses sont en elles-mêmes sans
relation à chacun.
iv.
Le
diallèle : c’est un argument de pure logique. Si
une proposition n’est pas démontrée, il n’y a aucune raison de l’admettre,
sinon on le fait par pétition de principe.
Par cet arsenal d’arguments qui convergent,
le sceptique ne veut pas prouver l’impossibilité d’atteindre la vérité ou que
ces arguments sont vrais (ce qui serait une position dogmatique). Seulement il
veut nous placer dans un terrain de n’affirmer rien. Leur conclusion n’est pas
« je ne sais », mais « je m’abstiens, j’examine, je cherche, que
sais-je ? »
III.
POINT
DE VUE CRITIQUE ET EXAMEN DES ARGUMENTS SCEPTIQUES FACE A LA CONNAISSANCE
Concrètement, les arguments sceptiques sont brutaux
et impressionnants, mais en gros il est clair que leurs arguments avancés n’ont
pas la portée qu’eux-mêmes leur attribuent. Passons en revue ces
arguments :
La contradiction des opinions est un fait
indéniable. L’unité est aussi réelle que la diversité. Le fait de se tenir à un
niveau superficiel et extérieur qui fait confirmer aux yeux sceptiques la
contradiction. Il existe toujours en philosophie un certain nombre de principes
dans lesquels tous les hommes communient. Ce que Leibniz appelle philosophia
perennis. L’argument de l’erreur tourne contre le sceptique. De façon générale,
il faut que l’erreur soit un fait (réel et aperçu). Affirmer la réalité de
l’erreur, c’est dire qu’il est vrai que l’on se trompe. S’il est vrai qu’on se
trompe souvent, pas vrai qu’on se trompe toujours. Et d’autre part, l’erreur ne
peut être connue que par rapport à la vérité, et l’erreur n’existe que si la
vérité existe. Si nous étions toujours dans l’erreur, nous n’aurions jamais eu
la notion de la vérité. Ainsi la possibilité d’une erreur universelle est
exclue au moment où on s’aperçoit qu’on s’est trompé. On ne rêve pas en tout
temps. Quant à la relativité, elle est incontestable. Mais chaque chose a son
être propre. Du moins la chose en soi demeure inconnaissable. Mais elle
n’entraîne pas la ruine de la connaissance. Le diallèle est incontestable,
toute démonstration repose sur des principes indémontrables.
CONCLSION
Le pyrrhonisme n’est pas possible,
parce que Pyrrhon lui-même n’a pas réussi à s’établir dans une totale
indifférence. Le pyrrhonisme reste un idéal inacceptable. L’indifférence
absolue est pratiquement impossible, dit Aristote, car elle entraînerait
l’inaction et la mort en bref délai. Le doute universel est difficile pour
acquérir la connaissance, parce que le sceptique doute pour douter. Peut être
le doute il faut adopter le doute
cartésien, c’est un doute en vue de. Le scepticisme méthodique semble peut être moins dangereux, parce qu’il permet la
connaissance.
Les sceptiques malgré leurs déroutes, ont ouvert les
esprits à un aspect critique dans l’activité de la raison et ont milité contre de
la naïveté des esprits. Pour terminer notre gymnastique, il
résulte non seulement que le scepticisme ne peut être adopté comme voie de
sagesse, mais aussi ne peut être
utilisé comme méthode. En définitive, le scepticisme est une tentative de
découvrir une connaissance universelle et absolue, ce qui le conduit à une
déception
BIBLIOGRAPHIE
VERNEAUX, R., Epistémologie générale ou critique de la connaissance, Paris,
Beauchesne, 1959.
MAQUART, Connaissance,
vérité et objet formel, dans Revue
thomiste, sd.
BROCHARD, Les sceptiques grecs et ROBIN, Pyrrhon. sl, sd.
MAYOLA Mavunza, C., La rationalité philosophique, Kinshasa, Science et discursivité,
2009.
LALANDE, A., Vocabulaire
technique et critique de la philosophie, PUF, 1960.
TABLE
DES MATIERES
1.
INTRODUCTION…………………………………………………………………...1
2.
LA
CONNAISSANCE……………………………………………………………….2
3.
Définitions
et l’être du connaître…………………………………………………….2
4.
Formes
spéciales de la connaissance…………………………………………………2
5.
LE
SCEPTICISME FACE A LA CONNAISSANCE……………………………...3
a)
Les
écoles..…………………………………………………………………………4
b)
[1] Né
à Saint-Quentin (Aisne) le 17 janvier 1906
et décédé le 10 février 1997.Entré au Séminaire des Carmes, à Paris, en 1924, il a
comme professeur de philosophie moderne Jacques
Maritain. Il est ordonné prêtre le 4 avril 1931. Le 3 juin 1936, il
soutient sa thèse de doctorat de philosophie sur « Les sources
cartésiennes et kantiennes de l’idéalisme français », publiée aux Éditions Beauchesne. Il enseigne alors au
séminaire de Soissons, avant d’être mobilisé en
août 1939.En juin 1944, il est nommé professeur titulaire de la chaire de
Critique de la connaissance à la Faculté de philosophie de l’Institut catholique de
Paris. Il quitte donc le séminaire de Soissons, et à cette
occasion est nommé chanoine honoraire de la cathédrale par
l’évêque Mgr Mennechet. En janvier 1945, il soutient son doctorat d’État sur
« L’idéalisme de Renouvier » et sur « Renouvier, disciple et
critique de Kant », thèses publiées aux éditions Vrin.
En 1965, on lui confie un cours de philosophie moderne sur Emmanuel
Kant qui donnera lieu à la publication d’autres ouvrages. En
1969, il participe à la fondation de l’Institut de Philosophie Comparée (IPC),
à Paris, aujourd’hui devenu IPC
- Facultés Libres de Philosophie et de Psychologie,
où il enseigne la philosophie moderne. Durant sa carrière d'enseignant, il
publie de nombreux travaux sur Kant, ainsi que des manuels d'histoire de la
philosophie sans cesse réédités. Après l’enseignement à l’Institut catholique de Paris
en 1975, il prend sa retraite de l’Institut de Philosophie Comparée en 1983. En
1989, il rejoint la Maison Notre-Dame de Saint-Quentin, où il passera le reste
de sa vie.
[2] MAQUART,
Connaissance, vérité et objet formel, dans
Revue thomiste, 1928 cité par
R. VERNEAUX, Epistémologie générale ou critique de la
connaissance, Paris, Beauchesne, 1959, p.74.
[3] IDEM, p.
75.
[4]
BROCHARD, Les sceptiques grecs, et
ROBIN, Pyrrhon.
[5]
Pyrrhon d'Élis (en grec ancien Πύρρων / Pyrrhon) (360–275 av. J.-C.) est un philosophe
sceptique originaire d'Élis, ville provinciale du nord-ouest du Péloponnèse.
Son activité philosophique se situe à Athènes vers
320 av. J.-C.,
avec, pour disciples, Philon d'Athènes et Timon de Phlionte (à ne pas confondre avec Timon d'Athènes), un brillant poète-philosophe qui vécut dans sa
familiarité pendant vingt ans. Il est considéré par les sceptiques anciens comme le fondateur de ce que l'on a appelé le
pyrrhonisme.