Cours
d’introduction à la philosophie
Université Saint
Augustin (2011-2012)
Prof.
Dr. Mbungu Mutu, cmf
Préambule
Peut-on
vraiment parler d’une introduction à la philosophie ? Une telle tâche ne
se révèle-t-elle pas non seulement impossible, sinon utopique ? L’étudiant
à qui l’on veut rendre ce service ne sera-t-il pas déçu étant donné que celui
qui s’engage à la faire ne peut lui fournir que des concepts plus ou moins
vagues ou plurivoques ? Peut-on, en outre, déterminer de façon précise la
nature de la philosophie, c’est-á-dire lui donner une définition définitive et
absolue ?
Ces
questions qui peuvent rester sans réponse exacte montre effectivement qu’une
introduction à la philosophie peut engendrer (ou simplement engendre) déception
et mécontentement, découragement et même « abjection ». Cette
hypothèse que nous avançons se confirme davantage, du moment que le « novice »
en philosophie est invité à aborder cette introduction en
« philosophe », c’est-à-dire en celui qui s’efforce d’entrer dans la
pensée d’autrui. En effet, plusieurs penseurs soutiennent qu’une manière pour
l’esprit de s’initier et de se familiariser avec la philosophie est tout
simplement de s’engager à l’exercer[1].
Si
c’est par un chemin propre (du dedans) que l’on est obligé d’entrer dans la
grande forêt de la philosophie, l’on se rend compte qu’une initiation (démarche
extrinsèque) semble, du coup, se révéler une barrière à l’exercice
philosophique. Toutefois, l’on ne peut « abandonner la nécessité d’une
initiation à la philosophie »[2].
Et Nkeramihigo s’en explique : « En tant qu’acte spécifique de
l’esprit humain, la philosophie exige une initiation pour que l’on puisse la pratiquer
selon son propre objet et ses propres exigences. Seulement, enchaîne-t-il,
l’initiation que nous exigeons doit être un chemin dans la philosophie,
c’est-à-dire un ̎Chemin…qui
doit être d’une espèce et avoir une direction telles que ce dont la philosophie
traite nous aborde et nous touche, et ceci dans notre être même̎ »[3].
Pourtant,
il se pose la question de savoir là où l’on peut trouver ce chemin. Dans le
cadre de l’initiation et de sa question, il faut dire premièrement et cela par
rapport à l’initiation, que la question qui importe est celle qui conduit à la
définition de la philosophie (Qu’est-ce que la philosophie ?). En effet,
l’enquête que l’on mènera, et qui du reste se veut totale et originelle,
donnera à cette interrogation une direction, capable de l’insérer dans le
destin humain du questionner philosophique. Deuxièmement et cela par rapport à
la question même, elle est en soi un chemin qui a une histoire. C’est autant
dire que la seule initiation possible consiste à entrer dans l’histoire de la
philosophie[4].
Par
ailleurs, avant d’entamer cette recherche définitionnelle et de s’engager sur
le chemin historique, il faut commencer par voir les différents contours
(éléments) qui se retrouvent autour de ce terminus – Philosophie -, à savoir la
philosophie comme « objet », comme « concept » et comme
« expression ».
(1) Philosophie comme
« Objet » ou comme « phénomène »
Logiquement
parlant, l’« objet » est la réalité telle qu’elle se présente
(existe) en dehors du sujet, même si celui-ci n’en est toujours pas conscient. Il
sert de « support » à la pensée[5]. Ainsi
appréhendée, la philosophie (comme objet/phénomène) se présente á nous comme
une réalité pluridimensionnelle (plurivoque). En effet, nous avons en face de
nous des penseurs de toutes sortes : races, continents. Tout en se disant
philosophes, ils ne vivent pourtant pas tous de la même manière (à cause de
différences dans les convictions religieuses, politiques, etc.), développent
des philosophies/Thèses singulières et écrivent chacun des œuvres ou des
médiations (philosophiques) que l’on peut « facilement » se procurer.
En outre, l’expression littéraire des œuvres et méditations ne sont toujours
pas homogène : la poésie y côtoie l’aphorisme ; le discours
absolument cohérent y rivalise avec la légèreté descriptive. Certaines pensées
se sont mues en « Systèmes philosophiques » en inspirant des penseurs
autonomes et regroupant le plus souvent ceux qui, pensant avoir les mêmes
intuitions et les mêmes préoccupations, ont décidé de faire ses
« disciples » d’un maitre plus sûr.
C’est
en partant d’une telle thèse que l’historien de la philosophie Émile Bréhier (1876-1952)
affirme qu’il existe trois niveaux de l’histoire de la philosophie qui
correspondent également á trois niveaux de compréhension de la réalité qu’est
la philosophie : (i) la philosophie comme fait social et
psychologique : l’on a ici l’histoire
de la philosophie qui est une histoire des idées et une sociologie de la
connaissance ; (ii) la philo comme fibres de pensées qui se noueraient
et se dénoueraient sans jamais arriver à produire une pensée neuve : c’est
l’histoire de la philo comme histoire critique
de la multiplicité de sources se disputant la primauté et la crédibilité ;
(iii) la philo comme entrée dans la pensée d’un auteur en voulant jouer
jusqu’au bout la carte de la cohérence et en cherchant á la comprendre par
l’unité du système : c’est l’histoire
de la philo comme histoire systématique à partir des courants et des
penseurs[6]. Évidemment
en situant á ce troisième niveau où s’opère une véritable histoire de la
philosophie, il reste toutefois à répondre à la question « qu’est-ce que
comprendre une philosophie ? »[7].
(2) La philosophie comme „Concept“
-
En Logique, „La conception est l’acte de penser un objet (…) Et le Concept est
la représentation mentale d’un objet“[8].
-
En tant que Concept, la philosophie
renferme une double dimension.
(i)
la première dimension se situe du côté de l’observateur de la « chose
philosophique », c’est-à -dire l’homme du dehors. À travers cette
dimension se dévoile un désespoir qui semble le plus souvent accompagner
l’étonnement ou la plainte du non-philosophe devant un penser, un agir, une
expression, un comportement singuliers : « C’est un
philosophe ! »[9].
À
cette réaction du non-philosophe, s’ajoute une autre réalité non moins importante.
En effet, comparée à d’autres sciences, la philosophie si elle est vraiment une
science, est une science scandaleuse. Car alors que les autres sciences se
déterminent par les progrès et leur contribution à la « civilisation
humaine », la philosophie elle, semble éclater sous le poids de la
multiplicité de ses visages et introduit incessamment au trouble et à la déception.
(ii)
la seconde dimension se situe du coté des philosophes eux-mêmes. À l’intérieur même
de la philosophe, certains penseurs regrettent que la philosophie en se
« fonctionnalisant », en se « systématisant » et en
sombrant dans l’entreprise « Livresque et littéraire », ait débouché
sur cette étrangeté dont il est question dans le discours du non-philosophe[10].
D’autres
se défendent d’être en dehors de la réalité concrète de la vie. Il n’y a pas de
« science » qui soit proche de la réalité que la philosophie[11].
En effet, ils rejettent l’idée du philosophe comme savant capable de dire un
mot pour chaque situation ou chaque problème de la vie courante. Pour eux, le
philosophe est aussi un ignorant[12]. Dans
ce sens, ils font un rejet de l’idée du philosophe « savant », i.e.
capable de dire un mot pour chaque situation ou chaque problème de la vie
courante. Le philosophe, pour eux, est aussi un ignorant[13].
Il
existe d’autres enfin qui font une soigneuse démarcation entre la
« Philosophie sans science » et la « Philosophie professionnelle
(ou mieux des professionnelles) » et font de la première une affaire de
tout homme, une essence propre à l’existence humaine en tant que telle. La
philosophie surgit avant toute science et cela là où les hommes vivent et
s‘éveillent. Cet éveil n’est ni le propre d’hommes « sains » ni le
privilège des êtres « bien pensants ». La philosophie est donc liée à
l’existence humaine dont « l’être-en-route » (Auf-dem-Weg-sein)
constitue en même temps l’essence fondamentale et le destin premier[14]. Elle est donc un état qui commence dès l’enfance
et ne se retrouve dans son état innocent que dans le questionnement des enfants
et dans le discours « incohérent » du fou ou encore dans l’expérience
matinal du sommeil s’évanouissant[15].
La
philosophie présente dans toutes les sphères de la vie humaine, se retrouve
dans les discours philosophiques courants, les proverbes, les convictions
régnantes et depuis de l’histoire, dans les mythes[16].
Cette
thèse jaspersienne d’une philosophie infuse en tout homme et présente ainsi dans
toutes les sphères de la vie humaine semblent pourtant ne pas correspondre á un
M. Heidegger (1889-1976) pour qui la philosophie a une origine précise :
le monde grec (« le peuple élu de la raison »[17]).
Tout part du mot grec « Philosophie » (Philosophia) et renvoie ainsi
á la tradition « gréco-occidentale »[18].
Nous
n’avons pas besoin de pousser la description des différentes conceptions de la
philosophie chez les philosophes, car cela ne servirait pas à grand-chose. En
effet, les réflexions reprises ci-dessus révèlent bien les contradictions
inhérentes qui existent à l’intérieur et à l’essence même de la philosophie. De
fait, ces contradictions deviennent plus claires lorsque l’on se penche sur
« les expressions philosophiques » qui disent ce qu’est la
philosophie.
(3) Philosophie comme
« expression »
Pour
la logique formelle, l’expression est la formule que l’on donne à une chose
concrète. La dite formule peut se faire en en soi-même ou encore dans une
langue[19]. Aborder
la philosophie sous l’angle d’expression, c’est rejoindre le point de départ
(objet du cours) qui consiste à trouver une définition de la philosophie. Il
est évident que l’on a en face une entr4eprise difficile dans la mesure où
plusieurs doivent encore être éclairés, notamment la différence entre ce qui se
dit sur la philo et ce qu’elle signifie effectivement en tant que « mot ».
Chap. I. Un bref aperçu sur le
domaine de la philosophie
Arrivés
au point de l’expression, les questions à aborder dans ce chapitre sont les
suivantes : « Qu’est donc la philosophie ? » « En quoi
consiste-t-elle ? » « Comment se distingue-t-elle de toute autre
chose ? »
1. L’objet de la philosophie[20]
1.1. Savoir ordinaire et connaissance
scientifique
Une
saisie de ce dont s’occupe la philosophie doit commencer par une distinction entre le savoir ordinaire
et la connaissance scientifique, dans la mesure où il est couramment admis
que la philosophie est un savoir et qu’inversement tout savoir n’est pas
philosophique.
Un
regard sur l’homme ordinaire, i. e sans formation spéciale, montre que celui-ci
a connaissance du monde où il se trouve, de ses semblables avec qui il partage
la vie en société. Il a également conscience de soi-même, de ses idées,
tendances et sentiments. Il a conscience d’une certaine régularité du déroulement
des événements et du changement même de la nature environnementale et humaine. Il
a une expérience du cours normal de la vie (des choses) et c’est grâce à elle
que l’on peut se maintenir en vie (faire attention et respecter les soins
incessants : se protéger des dangers, refaire ses forces, connaître les
besoins). C’est au fond, cet esprit d’observation qui est la première condition
de l’homo faber. Pourtant, l’être
humain ne s’enferme dans sa propre expérience. Il a besoin des autres. Grace au
langage (sous toutes ses formes), la communication peut s’établir le savoir se
transmettre de génération en génération. C’est dire que l’activité individuelle
aussi riche qu’elle soit a besoin du capital collectif pour vraiment demeurer
efficace[21].
L’homo
faber n’est pas seulement un simple observateur. Il est aussi un curieux, i.e
celui qui éprouve le besoin de savoir, de connaître. En effet, cela lui procure
une satisfaction, un plaisir naturel. Ses recherches (observations,
interrogations, renseignements, écoute des histoires des autres) ne se limitent
pas à consigner les faits ou encore á demander l’explication, mais à provoquer
en lui un certain étonnement, c’est-à-dire
« un moment où l’évidence du monde disparaît pour laisser la place á un
inconfort, un déséquilibre qui impose de se mettre en mouvement, comme si on
avait soudainement l’impression d’être déplacé »[22].
Ce déséquilibre finit par conduire au questionnement philosophique
s’introduisant par « Pourquoi ? ». Si le moindre peut devenir
pour le philosophe un problème (un étonnement philosophique), et donc conduire
au pourquoi, c’est dire qu’il doit toujours exister une raison pour tout être,
tout acte, toute situation tout comme aussi pour l’ensemble de l’univers.
Dans
le cheminement qui conduit de l’étonnement à la recherche d’une argumentation
ou d’une justification, l’individu est habité par le souci de la vérité. C’est dire qu’il est conscient
que l’homme par sa vie et son agir, peut se trouver dans l’erreur :
« Errare humanum est ». À
travers l’étonnement (le doute) et la recherche permanente de la vérité, l’homme
prend de plus en plus conscience que l’on peut échapper à l’erreur[23].
C’est en cela que consiste l’esprit
critique dont l’homo sapiens sait faire preuve.
L’esprit
critique ne doit pourtant pas éloigner l’homme de sa société. C’est dedans
qu’il doit trouver la suggestion de solution à ses inquiétudes ou mieux, c’est
dedans qu’il trouvera de nouvelles interrogations. C’est donc à travers
l’expérience et l’explication que l’on peut avoir en dialoguant avec la société
que l’homme se voit éclairer sur lui-même, sur les autres et la valeur des
êtres. L’esprit critique doit donc lui fournir une connaissance qui doit
désormais devenir la règle de sa vie, c’est-à-dire dans l’appréciation des
valeurs et la détermination de son agir, ainsi pourra-t-il alors cheminer comme
il se doit, remplir son devoir et atteindre sa fin.
Comme
on peut le remarquer, le savoir de l’homme comporte, dans sa factualité et son
ordre apparent, des explications quant à la raison d’être des choses et des
hommes à partir de son expérience, des recherches personnelles et de ses
contacts avec les autres. Ce sont ces différents éléments qui guident l’être
humain (dans sa vie matérielle, intellectuelle et morale).
Disons
que le savoir humain, ainsi que nous venons de le décrire, n’est donc pas une
chose simple. Même en tant que tel, science et philosophie peuvent tenter de
l’analyser pour essayer de le déterminer. C’est au fond le processus auquel des
siècles durant, on assisté. C’est-à-dire le passage du savoir ordinaire en
connaissance scientifique. La question qui demeure est celle de savoir comment,
au fond, s’opère ledit passage. De manière générale, la science est un ensemble
de connaissances qui s’obtiennent à partir des procédés méthodiques et
constituées en un système cohérent[24].
Disons
premièrement que la science a affaire aux connaissances, c’est-à-dire d’actes
humains qui ont un contenu objectif. La connaissance vise donc la vérité. Et ce faisant, connaître, c’est
(chercher à) atteindre consciemment, dans l’acte même de connaitre, l’objet tel
qu’il est (objectivité). Dans cette
recherche de la vérité/objectivité, la science s’attache à la qualité du savoir
humain et non seulement à la quantité[25].
Un
autre trait caractéristique de la science est le désintéressement. À ce niveau, conséquences utiles et applications
pratiques des connaissances acquises n’entrent pas formellement en compte. L’on
essaie de s’en tenir au « regard serein de la pure connaissance »[26].
Au
désintéressement, il faut joindre le souci
de la méthode (meta=avec, selon,
suivant et odos=voie, route). En
effet, les recherches scientifiques ne suivent pas le hasard des circonstances
de la vie. Elles suivent une marche (plan) raisonnée (une mûre réflexion) pour
atteindre un but (une fin)[27].
Au
souci méthodique s’ajoute enfin le principe de systématisation. Il s’agit de ne pas laisser les résultats dans
l’isolement. Ils doivent entrer dans une espèce de confrontation et de
rattachement les uns aux autres. Il s’agit de souci d’unité et de lien
(relation) excluant toute connaissance fragmentaire et poussant le chercheur à
ramener ses résultats à une synthèse, à un ordre et à un système cohérent.
Il
faut à présent se demander si ces propriétés essentielles[28] à
toute démarche scientifique sont absentes dans le savoir ordinaire. Il faut
sans doute répondre par la négative. Ils s’y trouvent en germes et y atteignent
parfois une importance réelle et efficiente. Quoi qu’il en soit, ils sont
encore trop mêlés aux exigences de la vie pratique et donc ne peuvent parfois
pas se développer pleinement. De fait, dans l’existence humaine ordinaire, la
connaissance est au service des buts utilitaires de la vie[29].
L’intelligence (ou la connaissance) est mise au service des circonstances
perpétuellement variables de la vie, afin de s’y adapter. C’est le
subjectivisme et le sentimentalisme qui inspirent pour une large part les
jugements. En outre, les conditions
concrètes et changeantes même de l’existence influent sur l’examen des faits.
Il
faut pourtant noter que l’individu a la capacité de s’élever au dessus de la
vie ordinaire. En d’autres termes, tout en considérant l’existence da sa
dimension concrète, réelle « primo vivere », l’esprit humain peut
s’établir à un plan supérieur et se fixer sur l’un ou l’autre secteur de la
réalité et en faire une étude méthodique et minutieuse afin d’en acquérir une
connaissance théorique, scientifiquement établie. En effet, l’avantage d’un tel
effort consiste en ce que l’on peut toujours demeurer dans la vérité, et
revenir au plan de l’utile, i.e. des problèmes de la vie pratique pour y
appliquer les vérités scientifiques[30].
1.2. Sciences et philosophie
Arrivés
au niveau de la connaissance scientifique, il faut à présent l’épineuse
question de la distinction entre sciences
et Philosophie. C’est au fond, la question de la constitution de la
connaissance scientifique (quand, comment et quels éléments).
Commençons
en disant que même si l’humanité avait déjà un certain degré de civilisation à
bien des endroits de l’univers (Indes, Chine, Perse, Asie mineure, Egypte),
avec des périodes brillantes, une organisation sociale et politique très
supérieure, une éclosion d’une vie artistique et littéraire remarquable, il
faut dire que c’est dans le milieu grec que l’esprit scientifique réussit á se
déployer avec liberté[31].
Plus haut, nous avons évoqué le caractère de l’élection rationnelle de la
Grèce. En effet, dans ce milieu, l’homo sapiens y découvrit la valeur
souveraine de la raison. C’est dire que l’activité purement rationnelle de
l’esprit (Connaître, comprendre, expliquer) devint un moyen important de
progression dans la connaissance de la réalité. Dans le même sens s’entreprit
aussi l’étude de la technique formelle de la connaissance (la logique du
raisonnement) sans oublier la distinction entre science et application
pratique. En effet, c’est cela le « miracle grec » (dont on dit qu’il
est à l’origine de la civilisation mondiale) qui s’appuie essentiellement dans
l’affirmation éclatante de la supériorité absolue de l’esprit.
« La
science, pour les Grecs, est l’explication raisonnée de toutes choses par leurs
causes »[32].
Cet entendement se réfère au fait que (i) le monde réel est un
« cosmos », i.e. un tout ordonné ; (ii) cet ordre est rationnel,
i.e. peut être compris par l’intelligence humaine ; (iii) finalement, il
s’agit d’un ordre de causalité, i.e. l’explication de tout événement se trouve
dans ses causes. Ce sont ces trois principes qui régissent la science grecque. En
d’autres termes, la recherche scientifique par des faits pour remonter jusqu’au
sommet de l’échelle des causes. C’est cette conception qu’expose Aristote
(385-322) et qui restera en vigueur jusqu'à l’époque moderne.
Pour
le Stagirite, c’est de façon graduelle que la raison humaine découvre la
réalité. Celle-ci part des caractères sensibles. Par ceux-ci, l’univers
matériel se montre à nous. Ensuite, ces caractères sont soumis au mouvement et
au temps, aspect qu’aborde la Physique.
En faisant par ailleurs « abstraction » du mouvement et du temps afin
de ne retenir dans les corps que leur aspect quantitatif, on a alors l’objet
des mathématiques. Et si enfin, les
choses matérielles considérées dans leur réalité sont des êtres, des
substances, alors il faut – pour les saisir – faire appel à la raison et non
aux sens (ceux-ci n’atteignent que les qualités dans le temps et l’espace).
Cette considération de l’être en tant que tel, nous Fait dégager du sensible,
même si la chose en étude demeure sensible. On se trouve ainsi à un stade de la
réflexion qui permet d’atteindre et d’englober dans une même étude, outre les
choses matérielles, un autre genre de réalités qui comprend l’être divin. C’est
l’objet de la philosophie première
(appelée plus tard métaphysique).
Celle-ci étudie la réalité en tant qu’elle est immatérielle et s’occupe donc
des êtres sensibles considérés en tant qu’êtres, i.e. dans leur aspect
intelligible et aussi des êtres que les sens ne peuvent percevoir et qui ne
sont accessibles qu’à la raison parce que la réalité est immatérielle. C’est
ainsi que la philosophie première s’appelle aussi théologie dans la mesure où Dieu en est l’objet principal
d’étude.
C’est
dans cette classification (ce corpus de sciences ou philosophie) dont la clé de
voûte est la métaphysique ou la philosophie première que chaque science
particulière doit trouver sa place dans la mesure où elle contribue à
l’intellection de l’univers[33]. Il
serait intéressant de rechercher une conception toute nouvelle (actuelle) des
sciences,i.e. dans leur détachement avec la philosophie et surtout avec
l’influence des sciences de la communication et biotechnologiques.
Sans
entrer en profondeur dans cette recherche, l’on doit simplement remarquer
qu’au-delà de ce progrès fulgurant et émerveillant des sciences les sciences,
ainsi définies, elles ne peuvent pas, cependant, répondre à tous les problèmes
existentiels qui se posent à l’être humain et á l’environnement de ce dernier.
C’est dire qu’il ya un domaine intellectuel qui ne relève pas d’elles, celui de
la philosophie.
Pour
confirmer la thèse ainsi énoncée, remarquons tout d’abord l’incapacité des
sciences –mathématiques et expérimentales – leurs points de départ. Aussi
peut-on se demander avec raison : « Sur quoi reposent les définitions
qu’elles postulent et les méthodes qu’elles appliquent avec succès ? Que
vaut le travail de la raison en général ? Quel sens faut-il attribuer à
une donnée expérimentale ? »[34] Ou
encore ces questions qui concernent les conditions absolues du réel :
« Quelles sont les conditions du réelles, d’une part, de toute donnée expérimentale
sensible et, d’autre part, de l’esprit humain ? En quoi matière et esprit
se distinguent-ils et quels sont leurs rapports ? Quelles sont leur
origine et leur destinée ? »[35] Comme
on peut le remarquer, ces questions nous situent au-delà du simple niveau
quantitatif et/ou phénoménal. Et en cela, elles sont du ressort de la
philosophie.
Il
faut en fait attendre l’époque moderne et même contemporaine pour avoir un
contenu de la science ou de la philosophie au sens ancien du mot[36].
Dès lors, on établira une opposition entre la philosophie et les sciences
mathématiques et expérimentales. Cette précision heureuse et féconde finit par
déboucher sur des principes et méthodes claires évitant ainsi toute confusion.
À la philosophie on réservera la solution des problèmes relevant des sciences
propres dites. Et ces dernières éviteront toute aventure sur des domaines qui
ne sont pas de leur ressort et en même temps s’abstiendront de nier la
nécessité de l’opportunité d’une philosophie formellement différente des
sciences.
La
philosophie ne peut faire fi de données empiriques dans l’entreprise de ses
travaux. En ce sens, le philosophe gardera un contact étroit et permanant avec
les sciences et doit tenir compte de leurs résultats.
Doit-on
pour cela conclure que la philosophie est à la merci des sciences et qu’elle
subit dans ses œuvres le contrecoup de leurs variations ? Il faut plutôt
envisager le problème et aller dans le sens de la complémentarité et de
l’interdisciplinarité dans lesquelles se retrouvent toutes les disciplines.
Dans ce contexte du pluralisme et du dialogue, l’on doit donc admettre que
« les découvertes scientifiques peuvent donner lieu à des problèmes
philosophiques nouveaux, à un énoncé plus précis et plus correct de problèmes
anciens, ou à l’élimination soit de faux problèmes, soit de questions
faussement considérées comme philosophiques, alors qu’elles ressortissent aux
sciences »[37].
À
leur tour, les sciences ont besoin des progrès philosophiques dans la mesure où
l’homme de science a aussi affaire à quelque système philosophique que l’on
retrouve de Facon explicite dans des formules du sens commun. Le souhait est
que le scientifique prenne conscience de cette adhésion et surtout qu’à la
conclusion qu’il fasse une démarcation entre le dérivé de la technique et logique
scientifiques et ce qui découle d’une interprétation philosophique plus ou
moins inconsciente. D’autre part, la critique philosophique (aux sciences) peut
aider le travail scientifique en précisant sa nature et ses limites, sa
signification et ses possibilités. Mais aussi, l’on doit arriver à une synthèse
de tous les résultats de diverses sciences. Une fois de plus, c’est la
collaboration (complémentarité) de toutes les sciences qui est sollicitée étant
donné que cette synthèse d’ordre scientifique même si elle aboutir sans se
référer aux principes philosophiques,
elle posera tout de même de problèmes philosophiques qui exigent si pas une
solution, mais au moins une compréhension si on veut saisir le sens plénier de
l’aspect scientifique de l’univers.
1.3. Philosophie et Théologie (chrétienne)
La
vie chrétienne se fonde sur des vérités divinement révélées, auxquelles il
adhère par un acte de foi. Dans ce sens, la théologie est cette discipline du
savoir humain qui formule un discours méthodique et systématique, i.e.
scientifique du contenu de la révélation chrétienne. Par rapport aux autres
sciences, la théologie se distingue par son caractère « sacré ».
C’est dire que son objet n’est pas un fait expérimental, ni une vérité en
elle-même évidente. Il s’agit d’ « un donné imposé à la foi de
l’homme au nom de l’autorité divine et dont toute la valeur est formellement
garantie par le témoignage de Dieu »[38].
C’est donc sur des vérités surnaturelles que porte le discours théologique.
Il
faut aussi dire qu’elle participe aussi au processus de complémentarité et
d’interdisciplinarité dont a besoin toute science dans le contexte pluraliste
actuel. C’est par exemple ainsi qu’elle recourt à l’histoire, la philologie et
tout naturellement à la philosophie « pour établir et exposer
méthodiquement les vérités révélées et pour les élaborer en système »[39]. Toutefois,
ces branches demeurent soumises à l’objet de la théologie et ne peuvent en
aucun cas lui ôter son caractère surnaturel.
L’on
doit pourtant remarquer que le dépôt de la révélation comporte également des
vérités qui sont au-delà des forces de la raison humaine. C’est par exemple le
cas des dogmes. Ceux-ci demeureront toujours des « mystères »
incompréhensibles à l’homme. Mais la théologie renferme aussi des vérités qui
peuvent atteinte par l’intelligence humaine. C’est par exemple le cas de
l’existence de Dieu, de la survie après la mort. C’est dire que les deux
domaines (révélation surnaturelle et connaissance naturelle) se recouvrent en
partie.
Il
est clair que l’on entre pas ici dans la problématique épineuse et délicate du
rapport entre Théologie et philosophie ou encore entre foi et raison dont Jean
Paul II dans sa lettre encyclique Fides
et Ratio a présenté une mise au point intéressante[40]. Disons
comme pour passer cette problématique à pieds joints que philosophie et
théologie « se distinguent radicalement, mais s’unissent harmonieusement
dans un ordre hiérarchique, où la théologie a le pas sur la philosophie.
L’insuffisance relative de la philosophie, eu égard á l’ordre de la grâce, ne
nuit en rien à son caractère absolu et sa pleine valeur dans l’ordre naturel,
mais bien au contraire les suppose »[41].
1.4. Définition de la philosophie[42]
- Quelques définitions capables de
décourager la soif d’entrer en philosophie
*
Henri Bergson (1859-1941) : La philosophie est (comme) un état
« semi-divin » où tous les problèmes M. Merleau-Ponty qui « nous
mette nt en présence du vide » sont ignorés. Pourquoi existe-je ?
Pourquoi y a –t-il quelque plutôt que rien ? Comment puis-je savoir
quelque chose ? Toutes ces questions traditionnelles ne sont ici que
« pathologiques » á l’exemple du douteur qui ne sait plus s’il a
fermé la fenêtre[43].
*
M. Merleau-Ponty : « (…) philosopher, c’est chercher, c’est impliquer
qu’il y a des choses à voir et à dire. Or aujourd’hui, on ne cherche guère. On
revient á l’une ou à l’autre des traditions, on la défend. Nos convictions se
fondent moins sur des valeurs ou des vérités aperçues que sur les vices ou les
erreurs de celles dont nous ne voulons pas »[44].
*
le philosophe anglais Francis Bacon (1561-1626) propose aussi une autre
définition. Pour lui, la philosophie ne s’occupe pas des impressions premières
des individus mais bien des notions abstraites qu’elle compose ou divise selon
les lois de la nature et de l’évidence des choses elles-mêmes. Elle est cette
partie du savoir qui repose sur la compréhension et a pour objet d’investigation
Dieu, la nature et l’homme.
*
« La philosophie est le travail d’exprimer par un travail sur le langage,
le sens que l’homme accorde à son expérience, à sa condition, à son histoire, à
ce monde dans lequel il vit et aux rapports qu’il entretient avec lui »[45].
Ces
quelques définitions, au-delà de malgré leurs aspects décourageants,
contiennent tout de même une vérité profonde : elles présentent la
philosophie comme recherche, investigation, science. C’est dire que la
philosophie ne peut jamais être élaborée de façon passive. L’engagement de
l’intéressé est requis ; son attention est constamment sollicitée ;
sa patience tout le temps éprouvée. Étant tournée vers le monde, l’homme et
Dieu, la philosophie convoque l’intelligence humaine à la halte et à la
ré-vision de l’histoire, des termes, de la tradition. À ce niveau, nous
corrigeons en quelque sorte la mauvaise compréhension de la célèbre phrase de
Jaspers –Tout homme est philosophie – (p.202) et on la complète du coup par une
autre phrase plus claire et plus exigeante : « La philosophie jaillit
de la source originelle du moi et tout homme doit s’y livrer lui-même »
(il faut donc un travail laborieux et courageux comme pour fructifier un
trésor)[46].
-Recherche à partir de
l’« utilité de la philosophie »
*
Hegel repris par E. weil :
« Pour
dire encore un mot de cette manière de donner des recettes (indiquant) comment
le monde doit être, la philosophie en tout cas, arrive toujours trop tard.
Pensée du monde, elle n’apparaît qu’à l’époque où la réalité a achevé le procès
de sa formation ; et s’est parfaite…Quand la philosophie peint gris sur
gris, une forme de la vie a vieilli et elle ne se laisse point rajeunir avec du
gris sur gris ; elle se laisse seulement connaître ; l’oiseau de
minerve ne prend son vol qu’á la tombée de la nuit »[47].
*E.
Weil :
« Il
est vrai, la philosophie n’aide personne à résoudre les difficultés techniques
de la vie active ; mais si elle amène les hommes à les regarder et en en
comprendre la portée et le sens, elle pourra leur être secourable, au moins en
les débarrassant de faux problèmes, d’angoisses puériles ou juvéniles, de rêves
tout juste bons á leur fermer l’accès à la réalité, à leur interdire de voir de
quoi il s’agit et de mesurer vivants, à ce qui vit… la première tâche de qui
veut transformer le monde est de le comprendre dans ce qu’il a de sensé »[48].
Ces
deux paradigmes définitionnels permettent de nous renseigner sur ce dont il est
question dans la démarche qui sera la nôtre tout au long de cette introduction.
En effet, « introduire à la philosophie, c’est introduire dans un champ où
les termes ont un héritage et une histoire ; où Socrate, Platon, Aristote
Descartes, Kant, Hegel, Jonas, etc. ont déjà existé. Philosopher, c’est donc et dans ces
conditions s’insérer dans une tradition qui, elle, comporte de
constantes ; c’est voir le présent á la lumière du passé et gérer une
osmose vivifiante entre le passé et le présent ». C’est dire en d’autres termes, qu’en
Philosophie penser c’est d’une manière ou d’une autre accueillir l’héritage de
la tradition pensante, se laisser instruire par tout ce que les générations
antérieures ont vécu et élaboré. L’on ne doit pourtant pas oublier qu’il s’agit
d’une tradition á continuer et á interpréter avec les questions existentielles
du moment. Et dans ce sens, une philosophie ne digne de ce nom que si elle est
capable de transmuer la raison passée en raison pensante présente, recueillant
en son sein savoir le meilleur des temps révolus pour le convertir en esprit
vivant susceptible d’informer son époque[49].
Ceci
nous donne davantage de conviction que la question « qu’est-ce que la
philosophie » semble insoluble et la réponse doit encore se faire
attendre. Pour ne pas continuer nager dans le flou au fur et á mesure que la
spéculation se fait de plus en plus profonde, il faut recourir á l’étymologie
du mot « philosophia ».
Peut-être qu’à ce niveau, on pourra comprendre de quoi il est question
ici et alors libérer le débutant de ses craintes.
-
La
philosophie comme mot[50]
D’origine grecque, le terme
« Philosophie » est composé de deux particules essentielles dont
chacune exprime une réalité bien précise : le philein (philos comme adjectif) et la sophia (sophos) et signifie respectivement l’amour et la sagesse. Pris
donc dans son sens immédiat, le mot signifierait « amour de la
sagesse ». Seulement, les deux mots n’ont pas d’explications si évidentes,
claires et limpides. Il convient donc de les expliciter et de les approfondir.
+
Philein
signifie « aimer d’amitié et avec plaisir ». Il exprime ainsi un
désir dont l’autre constitue l’objet de tension, de recherche. Comme tension
vers, le Philein est dynamisme,
ouverture vers l’autre pour le laisser être autre et trouver son plaisir dans
cet être-autre qui me transcende et qui n’est réductible á aucun moyen
instrumental. En d’autres termes, le Philein
veut dire un penchant et une amitié favorables et durables pour un autre. Dans
ce sens, aimer la Sophia consiste à se familiariser avec elle jusqu’à
l’acquisition de l’ « habitude » et « presque la dévotion qui,
elles excluent des moments isolés,
fussent-ils d’intense activité réflexive », car « une tension
permanente vers l’idéal, vers le but envisagé marque l’essence de la
philosophie et fondamentalement la caractérise »[51].
+
Sophia
Pour comprendre ce concept selon Platon, trois
niveaux qui, par ailleurs, vont dans l’ordre croissant sont nécessaires : (i)
la simple dextérité, la simple habileté manuelle ; (ii) le
« savoir-science » ; (iii) la sagesse pratique dans la vie des
affaires. Il faut distinguer le terme des « Sophistes » dont il est
apparenté.
Platon, dans plusieurs de ses Dialogues, tente de
donner une explication de ce concept. le
Charmide : éprouver de la honte
pour certaine opinion (160e) ; s’occuper de ses affaires (161b) ; se
connaître soi-même (164e)[52].
Potlitique (258b-262a)
: distinction de trois sortes de sciences : les sciences pratiques
(éthique, politique et économie) ; les sciences poétiques (l’art, la
poésie et la rhétorique) et les sciences théorétiques orientées vers la théorie
de la vérité (p.ex. la philosophie).
Une saisie plus approfondie de ce qu’est la sagesse
nous est offerte par Aristote. Pour lui, la sagesse se conçoit comme science
théorique. En effet, il affirme : « Nous concevons d’abord le sage
comme possédant la connaissance de toutes les choses, dans la mesure où cela
est possible (…) Ensuite celui qui est capable de connaître les choses
difficiles et malaisément accessible à la connaissance humaine (…) En outre,
celui qui connaît les causes avec plus d’exactitude et celui qui est plus
capable de les enseigner sont, dans toute espèce de science, plus sage
(…) »[53].
On retrouve également chez Aristote un autre approfondissement de la définition de
la philosophie : « une science théorétique », i.e. une science
« qui a pour objet le savoir désintéressé » ; ou une
« science qui poursuit la science en vue de connaître » ou encore
« science qui cherche à savoir pour échapper à l’ignorance » ;
ou enfin et au sens strict « recherche d’un savoir radicale et intégral
englobant la totalité du réel »[54].
Certains penseurs rapprochent la Sophia au Sapere latin. En effet, le Sapere est « le fait de jouir d’un
bon esprit de discernement permettant de savoir ce qu’il faut faire et ce qu’il
convient d’éviter, d’être compétent dans un domaine déterminé, non seulement d’en
avoir la pleine maîtrise, mais aussi et surtout de pouvoir savourer et exprimer
ce que l’on sait parce que l’on en détient une connaissance parfaite »[55]. Comme on peut le remarquer, cette conception
de la Sapere allie l’irréprochabilité de la conduite á l’acquisition des
connaissances des choses spirituelles et matérielles (autorité morale, probité,
savoir et savoir-faire). Dans ce sens, être philosophe, c’est encore ne pas se
contenter des idées reçues, défendre l’esprit de libre examen, c’est être par
principe favorable á l’explication des phénomènes par des causes naturelles
hostiles aux dogmes et la contrainte.
L’approche étymologique nous permet de dire plus ou
moins ce qu’est la philosophie et ce que peut signifier être philosophe. L’essence
de la philosophie consiste dans la recherche permanente de la vérité et non sa
possession. Dans ce sens, le philosophe s’oppose au Sophos, i.e. à celui qui se nomme soi-même sage et croit ainsi
posséder la vérité. Le philosophe est et reste un « amoureux du savoir et
de la sagesse ».
Platon, dans certains de ses dialogues, aborde aussi
ce sens de la philosophie. En effet, la philosophie est la recherche et la
poursuite de la sagesse[56] ;
elle est l’étude et la recherche zélée de la sagesse-science[57].
Approfondissement
de la définition étymologique
De ce qui précède, on peut á présent clarifier
certains points restés dans l’ombre tout au long de notre questionnement et de
notre étonnement.
Ce que la philosophie n’est pas :
-
à confondre avec une manière de vivre
(vivre distrait, ou en ascète, pleins d’interdits et de tabous de toutes sortes
pour discipliner les passions de la chair et orienter les tribulations de
l’esprit[58] ;
-
une technique du comportement qui
viserait quelque révélation (Yoga, zen, etc.) ou une vie orientée selon les
exigences déterminées par un maître[59] ;
-
nune « idéologie », même si
certaines idéologies se proclament « philosophies particulières et
authentiques »[60].
De ces négations ou dénégations, il sied de
reconnaître positivement que :
-
la philosophie est marquée par un
caractère essentiellement rationnel (Cf. Les mots « recherche »,
« sagesse », « savoir », « science », etc.)
-
la philosophie est explicite. L’on peut
affirmer le philosophe jésuite Paul Gilbert, ce qui est découvert dans la
mentalité diffuse n’est pas philosophie ; mais la découverte elle-même
peut être philosophique[61] ;
-
la philosophie intègre de manière constitutive
l’explicitation des présupposés implicites que son discours met en œuvre[62].
Disons pour nous résumer que la philosophie est rationnelle, explicite et réflexive sur elle-même.
Elle est recherche des premières causes et des premiers principes. Cette recherche
la conduit à devenir un système de connaissances naturelles méthodiquement
acquises et ordonnées, capables d’expliquer toutes choses par leurs raisons
fondamentales. Par ailleurs, cette recherche est libre et responsable et
s’oriente sur le sens de l’existant.
Conclusion :
Philosophie, quid ?
La
philosophie procède avec méthode et ramène les résultats obtenus à un ordre
systématique. Ceci lui donne un caractère vraiment scientifique (au sens
général) qui le différencie du coup du savoir ordinaire, de la théologie des
mathématiques et des sciences empiriques.
En
tant que telle (par définition), la philosophie se cantonne dans l’ordre
naturel et ne fait usage que des facultés naturelles de connaître (par
exemple, distinction avec la théologie basée sur la révélation et la foi).
Son
objet matériel (i.e. tout ce qui tombe sous sa juridiction) c’est le tout (la totalité du réel). C’est ce
que les philosophes recherchent. Dans la recherche à travers cet objet, la
philosophie propose une synthèse qu’elle projette d’établir et qui englobe
toutes choses, sans exception. Par ailleurs, au-delà du nombre infini de ces
choses, disons que ce qui touche la philosophie, la touche en tant
qu’ « existant ». Avec la totalité du réel, la philosophie
s’oppose ainsi aux sciences particulières qui s’occupent chacune d’une classe
déterminée d’objets. Ceci souligne le caractère universel de la philosophie, du
fait qu’elle étudie l’universalité des êtres.
Cependant,
comme toute science, une manière précise de définir la philosophie, est son
objet formel, i.e., le point de vue sous lequel elle considère son objet
matériel. La recherche philosophique vise la
raison fondamentale (RF) des choses. En philosophie, la RF est une
explication qui doit, tout d’abord, pouvoir pleinement se justifier par
elle-même jusqu’en ses fondements de sorte qu’elle ne repose sur aucun
postulat, ni sur aucun principe qui, à son tour, demanderait d’être étayé par
des preuves ; elle tient tout entière par elle-même, en vertu de sa propre
valeur.
Ainsi
compris, l’objet formel de la philosophie manifeste son indépendance
essentielle et son autosuffisance. Et la philosophie se doit de rechercher ses
raisons explicatives dans un domaine qui diffère formellement de celui des
sciences sous peine de ne plus présenter une couleur différente.
Les
raisons philosophiques ne sont donc pas expérimentales, mais mét(a)empiriques.
Dans ce sens, elles demeurent transcendantes par rapport au domaine de
l’expérimentable, elles ne comportent pas d’éléments qui soient homogènes aux
domaines empiriques. Les raisons philosophiques, dans la mesure où elles
doivent se justifier par elles-mêmes et être vraiment fondamentales, peuvent
aussi, le cas échéant, fournir une justification foncièrement suffisante des
présupposés scientifiques. Ce faisant, par rapport aux autres sciences, la
philosophie peut constituer un « au-delà » de la pensée scientifique.
Toutefois,
il y a des questions auxquelles l’on doit impérativement répondre :
« Quelle est d’une façon précise, ce domaine des raisons
philosophiques ? Y avons-nous accès et jusqu’à quel point ?»[63]
Ces questions qui restent insolubles entièrement dans un cours d’introduction
ne peuvent que jeter des postulats, car « C’est à la philosophie et à elle
seule, qu’il appartient de soulever et d’étudier ces problèmes »[64].
Pour
le moment ne peut pas être à même de découvrir la raison fondamentale d’-aucune
chose. Mais il reste essentiel pour la philosophie de pouvoir s’engager dans la
recherche, même si les problèmes resteront insolubles et surtout les résultats
restent également incertains.
Comme
dit plus haut, la philosophie cherche les dernières causes (objet formel) alors
que les sciences, quant à elles, poursuivent les causes prochaines. C’est dire
qu’une explication philosophique ne peut se trouver que dans l’ordre de la
« causalité ».
L’on
doit pourtant accepter que dans l’approche de l’objet formel de la philosophie
et des sciences, il n’y a aucune homogénéité. L’objet de la philosophie est
irréductible à celui des sciences. Il existe donc une distinction entre l’objet
formel des sciences et celui de la philosophie.
2. INTRODUCTION À LA PROBLÉMATIQUE DE
LA PHILOSOPHIE[65]
Comme
nous l’avons vu dans le premier point, à l’époque des balbutiements, le savoir
était indifférencié. Tout était objet de recherche philosophique (les êtres
divins, les astres, les objets mathématiques, les êtres naturels, etc.). C’est
à partir du questionnement général sur l’être « qu’est-ce que
l’être ? » que les sciences telles que nous les connaissons
aujourd’hui se sont constituées. Et l’examen réitéré de cette question a pu
définir des sciences particulières qui étudient les parties spécifiques de
l’être. Les sciences actuelles n’existent pas depuis toujours. La séparation
entre la philosophie et les sciences existent depuis le XVIè s. de notre ère.
Au début, toutes les sciences étaient identiques[66].
Aujourd’hui, alors que chacune des sciences (biologie, physique, psychologie,
etc.) étudie un aspect déterminé de l’être (le vivant, le mouvement, la
conscience, …), la philosophie s’intéresse toujours au tout ; elle étudie
les notions de base et les principes sur lesquels se fonde chacune des sciences
particulières. Ainsi peut-on distinguer en philosophie différents champs
d’intérêts. Nous répartissons en quatre grands problèmes l’objet d’étude des
philosophes. L’ensemble des solutions de ces problèmes constitue un mode
spécifique d’explication du réel qui, tout en entretenant les rapports avec les
sciences, diffère tout de même du discours scientifique.
Tableau
1 : Problèmes philosophiques et disciplines correspondantes
Le problème de la nature
|
La physique ou la philosophie de
la nature
|
Le
problème de la connaissance
|
(i)
L’épistémologie ou la théorie de
la connaissance ; (ii) la logique ; (iii) la méthodologie des
sciences
|
Le
problème de l’être
|
(i)
La métaphysique, (ii) l’ontologie
|
Le
problème du bien
|
La
philosophie pratique : l’éthique, la politique
|
1. Le problème de la nature
Les
tout premiers philosophes étaient des physiciens. La nature était leur objet
d’étude. Ils se sont d’abord interrogés sur ce qu’ils pouvaient percevoir
directement avec leurs sens, i.e. des êtres sensibles. Dans ce sens, à
l’époque, la physique était vue d’une manière plus large qu’aujourd’hui. Elle
comprenait l’étude de différents aspects des êtres ayant une matière.
Actuellement, plusieurs sciences différentes (anatomie, biologie, zoologie, astronomie,
physique, psychologie, etc.) s’occupent chacune de l’un de ces aspects.
La
première constatation des philosophes de la nature a porté sur ce fait
d’expérience que toutes les choses de notre monde subissent continuellement le
changement : Tout ne cesse de changer, tout passe[67].
En
effet, l’on peut facilement comprendre cela aujourd’hui dans la mesure où nous
savons que toutes les choses ou tous les êtres de notre monde ont une matière
et que, par définition, aucune matière ne reste éternellement identique. Ainsi
ce qui vit meurt ; de la saison sèche, nous passons à la pluie. Ce qui est
froid devient chaud. Même les sentiments se transforment.
Néanmoins,
le mouvement est apparu aux premiers philosophes comme ce qu’il y avait de plus
manifeste dans la nature, et a ainsi constitué le centre de leurs spéculations.
Cependant, cette constatation (tout change) est vite apparue comme une
insuffisance pour rendre compte des êtres de la nature. Si le mouvement était
la seule raison explicative des êtres sensibles, se sont dit les philosophes,
il serait impossible de les étudier de façon sérieuse puisque rien n’étant
jamais pareil, tout ne serait que non-sens. En effet, s’il n’y avait pas de
lois ni de principes qui régissent les changements et fondent notre savoir, la
science serait impossible et nous ne pourrions acquérir aucune connaissance.
Cela contredit aussi toutes les régularités que, malgré le changement, nous
pouvons observer dans la nature : trajectoires du soleil, de la lune et
des planètes, cycle des saisons, conservation des espèces. Les philosophes ont
donc pensé que quelque chose, malgré le changement continuel, restait toujours
identique. Ainsi, l’étude du mouvement s’est alors transformée en une recherche
de ce qui est permanant et qui, logiquement, devrait expliquer l’être réel des
choses.
Parmi
les disciplines qui s’occupent de ce groupe de problèmes, il y a d’abord la philosophie de la nature. Elle
explicite la constitution fondamentale des êtres particuliers qui composent
l’univers. Elle nous montre ainsi que la nature comprend des êtres divers et
variés : de la matière minérale et des individus vivants, doués ou non de
vie consciente. La cosmologie, la
biologie de la philosophie et la psychologie se partagent l’étude des
êtres. Cette dernière discipline sera en ordre principal, une anthropologie philosophique, ayant pour
objet l’étude de l’homme.
Voilà
comment, à partir de cette recherche, naîtra deux autres problèmes : celui
de la connaissance et de l’être.
2. Le problème de la connaissance
Les
théories élaborées avec les premiers philosophes sont apparues, avec le temps,
imparfaites et contradictoires. D’autres philosophes ont donc pris du recul et
ont fait porter leur réflexion sur les conditions de la science. Ils ont
compris que l’élaboration des théories conformes à la réalité exige
l’interrogation du pouvoir et des limites des facultés humaines. En effet, les êtres
humains ne sont pas comme les autres espèces animales réduits à la simple
connaissance des choses qui font partie de leur entourage immédiat. Cependant,
ils n’ont pas non plus une intelligence aussi parfaite que celle des dieux. Ils
ont la capacité d’édifier les sciences mais, pour cela, il faut respecter
certains critères qui fondent la vérité de ce que l’on soutient. Pour ne pas
prendre pour des vérités les chimères de notre esprit ou les connaissances qui
ne sont que vraisemblables, il faut s’appliquer à différencier ce qui est objectif de ce qui est subjectif.
Ces
philosophes nous ont appris à éviter que nous ne devons pas prendre pour des
faits tout ce que nous présentent nos perceptions sensibles. Car il n’existe
pas de lien nécessaire entre notre expérience subjective et immédiate des
choses et la réalité objective. L’on a, par exemple, tendance à croire que les
couleurs sont des qualités propres aux choses (qu’elles sont objectives) ;
pourtant, elles ne sont en réalité que l’effet, sur nos yeux, de la lumière à
la surface des choses (elles sont subjectives). Il en est de même de multiples
illusions d’optique qui peuvent affecter notre regard, et des erreurs de
jugement que nous pouvons commettre sous l’influence de l’opinion publique. Il
est évident que dans la vie de tous les jours, l’on n’a pas besoin d’utiliser à
tout moment une approche scientifique pour agir. Cependant, l’on doit être
conscient que, lorsqu’on fait face à un problème, la recherche de la vérité
implique un dépassement de l’expérience quotidienne. En nous incitant à la
prudence, par opposition à la précipitation et à l’ignorance, le doute s’avère
à ce niveau le premier pas vers la connaissance et la science.
Revenons
aux disciplines qui s’occupent de ce groupe de problèmes. Quand on considère la
connaissance humaine, dans sa fonction de connaissance, i.e. que l’on veut
d’abord savoir quelle est la portée fondamentale et quelles en sont les
conditions essentielles, on se tourne alors vers l’épistémologie[68].
Étant donné que la connaissance comprend des éléments différents, concrets et
abstraits, il revient alors à la critique
de s’efforcer d’en fixer le sens véritable et la valeur exacte. Les philosophes
ont tenté d’établir des règles à suivre pour construire des raisonnements
corrects. Ils se sont aussi penchés sur la logique interne du discours, i.e.
sur la force des liens qui unissent les différentes propositions à l’intérieur
du discours[69].
La détermination des lois formelles qui règlent l’usage correct de la raison
discursive revient à la logique formelle
et à la logistique.
L’on
doit également noter que l’activité de la raison ne fonctionne pas dans le
vide. Elle s’exerce sur des données –une matière- auxquelles elle doit
s’adapter. La critique des sciences
(aujourd’hui Méthodologie des sciences)
étudie la connaissance à ce point de vue. Elle s’attache à déterminer la valeur
et la portée des principes et des procédés d’investigation, d’explication et de
systématisation mis en œuvre par les différentes sciences.
3. Le problème de l’être
Le
problème de la connaissance, nous a laissé remarquer entre autres qu’il y a un
écart entre le réel positif (ce qui est véritablement) et la connaissance que
l’on peut en avoir. Aussi est-il nécessaire de se questionner sur l’être
lui-même.
Il
est vrai que les philosophes de la nature étudiaient déjà l’être en tant qu’il
est doté de matière et caractérisé par le changement. Toutefois,
l’interrogation de ceux qui ont poussé plus loin la recherche est plus
fondamentale. Avec eux, l’être est considéré dans son sens le plus général et
absolu : on parle d’ontologie.
Celle-ci étudie l’être en tant qu’être. L’être est pris au point de vue
transcendantal. Dans ce sens, « l’ontologie recherche ce qui est
absolument requis pour que la multitude des êtres ̎soient ̎, i.e. pour qu’ils
puissent appartenir à
l’ordre
suprême et unique, l’ordre de l’être »[70].
C’est dire que l’ontologie ne s’applique pas aux différents vivants que l’on
rencontre dans la nature (un homme, un ours, une plante) ni aux différentes
sortes d’êtres inanimés (une maison, un livre, un Handy). Ce qui l’intéresse,
ce que toutes ces choses si différentes ont en commun : le fait d’être.
Ainsi l’ontologie se pose la question suivante : « qu’est-ce que
l’être ? »[71]
L’ontologie s’achève donc sous forme de philosophie de Dieu, appelée également
Théodicée (théologie naturelle ou philosophique).
Une
autre discipline qui s’intéresse au problème de l’être est la métaphysique, appelée aussi philosophie première. En tant que
recherche générale sur les causes premières de l’être, elle étudie aussi les
raisons générales qui expliquent réellement les êtres. C’est ainsi qu’elle
porte sur des questions qui vont au-delà de l’enquête sur les êtres de la
nature. Parfois, elle se confond avec la théologie (étude rationnelle des
questions religieuses et selon laquelle l’être au sens absolu est Dieu[72].
Par
rapport aux causes, jusqu’au XVI è s., les philosophes considéraient, pour la
plupart, qu’il y avait quatre causes premières de l’être. Les tout premiers
philosophes connaissaient déjà deux d’entre elles.
La
cause matérielle. C’est ce dont une chose est faite. Le substrat à partir
duquel un être est engendré et qui demeure en lui comme un élément de sa
composition. Pour connaître la cause matérielle d’une chose, l’on pose la
question : « De quoi cette chose est-elle faite ? »
La
cause efficiente (du mouvement). Ce qui fait qu’une chose acquiert l’existence,
de même que les changements qu’elle subit tout au long de son existence. Pour
comprendre le mouvement, on pose la question : « Comment ?»[73]
La
troisième cause a été ajoutée par Platon
La
cause formelle ou l’essence. Ce qui fait qu’un être est toujours le même. Ce
qui est permanant dans l’être. L’obtention de la définition essentielle d’un
être se réalise en posant la question : « Qu’est-ce qu’est
essentiellement cet être malgré les changements qu’il peut subir tout au long
de son existence ? »[74].
L’essence a aussi comme rôle de rattacher un être singulier à un ensemble (un
genre ou une espèce)[75].
C’est l’universel en lui. L’essence correspond donc à un type particulier de
concept.
Enfin
Aristote a découvert une quatrième cause.
La
cause finale. C’est vers quoi tend un être, le but de son existence, le bien
qu’il vise. La fin que vise un être est toujours extérieure à lui et plus
parfaite que lui. Pour connaître la fin d’une chose, on pose la question :
« pourquoi ?»[76]
Une
hiérarchie a voulu être vue parmi les causes premières, c’est-à-dire déceler
celle qui était la plus importante que les autres. Dans ce but, les
métaphysiciens ont fait l’hypothèse de l’existence d’un être parfait et ils se
sont demandés si l’explication rationnelle de cet être nécessitait la
contribution des quatre causes. Leur conclusion était que cet être étant
parfait, il resterait éternellement identique à lui-même, puisqu’il ne pourrait
se détruire ni se parfaire davantage ; il n’aurait donc ni mouvement ni
finalité. Il n’aurait non plus de matière (toute matière change). Ainsi, ce
serait une essence pure. Tout compte fait, l’essence est apparue comme la cause
véritablement première. C’est pourquoi la métaphysique s’intéresse d’abord à
l’essence et à
ce
qui est immatériel (la physique aux êtres matériels et changeants).
4. Le problème du bien et des valeurs
Les
différentes recherches des philosophes ont conduit ceux-ci à étendre leur
réflexion sur l’être humain lui-même et sur les attributs d’une conduite que l’on
pourrait qualifier de « bonne ». Ainsi sommes-nous dans la branche
philosophique que l’on nomme philosophie
pratique, i.e. qui porte sur les affaires proprement humaines. En effet,
elle diffère des autres disciplines philosophiques en ce qu’elle ne vise pas
uniquement un savoir théorique, mais aussi un savoir-faire. Elle ne vise pas la
connaissance des choses qui sont extérieures, mais plutôt, au moyen de
l’action, la perfection de l’être humain dans toute sa personne. En ce sens,
elle est plus exigeante que les autres branches de la philosophie. La
philosophie pratique se divise elle-même en deux parties étroitement
liées : l’éthique et la politique (certains ajoutent une troisième la
philosophie de l’art).
L’éthique
concerne tout ce qui touche la conduite de l’individu. Elle fait appel à la
conscience personnelle du bien et du mal, sans laquelle l’être humain ne peut
exercer son libre arbitre et est condamné à suivre ce que la nature lui dicte
ou ce que lui a inculqué l’habitude. C’est ainsi que l’on distingue souvent
l’éthique de la morale.
La
morale invite souvent á agir selon les valeurs dont on n’a pas décidé soi-même
(un code religieux) ; alors que l’éthique pousse à être autonomes (Kant va
dire à partir d’une loi inscrite en nous-mêmes, l’autonomie : l’impératif
catégorique). L’éthique se fonde sur
notre sens critique à l’égard des valeurs établies et sur l’examen continuel de
nous-mêmes. Elle exige que, lorsque la raison nous fait découvrir une règle de
conduite qu’elle juge bonne, nous respections cette règle dans l’action.
Dans
la visée de l’ensemble de biens par l’individu, l’éthique tente d’établir un
ordre hiérarchique des valeurs[77].
L’éthique
tente de définir les différentes vertus ou différentes dispositions de
caractère qui nous portent à agir selon le bien (par exemple, la
justice, le courage, la tempérance et la prudence sont des vertus).
Dans ce sens, elle recherche les critères qui font qu’une action sera dite
vertueuse ou moralement bonne. L’action vertueuse est-elle une action accomplie
par bonne intention ou une action dont le résultat est positif (les deux).
L’éthique s’intéresse aussi à déterminer si l’action dépend d’un choix
individuel ou de déterminismes extérieures. Enfin, elle cherche les rôles
respectifs de la raison et des passions dans l’action humaine.
La politique
concerne tout ce qui touche les décisions des gouvernants et la conduite des
citoyens. Elle tente d’établir une valeur dont dépendraient toutes les autres
(p.ex., l’égalité, la sécurité, la liberté individuelle, la solidarité) afin
que les relations entre citoyens soient harmonieuses. La politique tente de
déterminer quelle serait l’organisation politique la meilleure. Elle évalue
aussi les forces et les faiblesses de différentes constitutions et vise à
déterminer ce que serait un projet véritablement démocratique.
Le
but principal est de réaliser le bien commun tout en respectant les libertés
individuelles. En ce sens, elle doit chercher á établir un équilibre entre les
droits individuels et les devoirs des citoyens. Au-delà des lois (qui peuvent
ne pas être justes), elle tente de définir ce qu’est la justice comme vertu.
La
philosophie de l’art peut se comprendre dans ce domaine pratique, dans la
mesure où, en tant que discipline philosophique, elle se consacre à l’étude de
l’œuvre humaine. Le secteur est riche, car l’homme exerce beaucoup d’œuvres
d’art : arts mécaniques, arts libéraux, beaux arts. Et les arts s’appuient
sur des nombres scientifiques et requièrent un fondement philosophique :
donc il faut faire une étude philosophique de la technique et une étude de
beaux arts ; il faut faire la philosophie de l’éducation, du droit et de
la politique.
L’étude
sur les valeurs constitue de manière générale la philosophie de la
culture ; i.e. l’étude philosophique de l’ordre des valeurs introduites
dans la nature par l’activité formellement humaine, individuelle, sociale.
[1] Cf.
NKERAMIHIGO ; Th., Initiation à
l’acte philosophique. Introduction à la philosophie, Kinshasa, Ed. Loyola (Publications
Canisius), 1991, p. 10 : « La nature philosophique de la question,
que doit poser l’introduction à la philosophie, exclut ainsi un discours
objectif sur la philosophie. Elle
impose par nécessité essentielle de parler de la philosophie en philosophant »
(...) En prenant conscience que la
philosophie est une science qui, de soi, ne laisse rien en dehors d’elle-même
parce qu’elle porte sur le tout de l’être, nous venons de reconnaitre que
l’initiation à la philosophie ne saurait être extérieure á la philosophie sans
instaurer un discours objectivant sur elle. Au contraire, de par le caractère
englobant de la philosophie et de par la nature de la question qu’elle pose,
l’initiation à la philosophie est, de nécessité essentielle, philosophique ».
Un peu plus loin, le philosophe rwandais cite les mots K. Jaspers pour
justifier ses thèses : « on n’apprend pas la philosophie, on apprend
à philosopher ».
[2]
Ibidem, p. 11.
[3]
Ibidem. La citation à l’intérieur est de Martin Heidegger, dans son ouvrage, Qu’est-ce que la philosophie ?,
trad. Kostas Axalos et Jean Beaufret, Paris, Gallimard, 1957, p. 11.
[4]
Cf. Ibidem. La réponse à la question
« Qu’est-ce que la philosophie » devient comme le point cardinal
d’une introduction à la philosophie (l’objectif du cours). Quant à la direction
historique, l’auteur l’éclaire davantage dans les pages 11-22.
[5] Cf. Dirven, E., Introduction à la logique, p. 8.
[6] Cf.
BREHIER, E., Cité par NKERAMIHIGO, T., Op.
Cit., p. 14-15. Selon cet auteur, le véritable historien de la philosophie
se situe au troisième niveau.
[7]
Voir la réponse que donne Nkeramihigo, Op. cit., p. 15-16.
[8]
Cf. DIRVEN, E., Op. cit., p. 8-9.
[9] Quand il s’exprime ainsi l’homme
de la rue se représente d’une part un être étrange dont la pensée ou l’agir est
le plus souvent soit subtil qu’il peut justifier n’importe quel comportement
soit si flou et si compliqué que l’on ne peut et doit s’en approcher qu’avec
« crainte et tremblement », respect et vénération. D’autre part, l’on
tente, par l’expression, d’excuser les maladresses et les égarements pratiques
du philosophe en faisant de lui un être tellement éloigné de la réalité de la
vie que l’on ne devrait pas trop en tenir rigueur ni lui en vouloir d’ignorer
certaines réalités pratiques de l’existence des hommes encore en pèlerinage sur
cette terre. L’évidence est que, dans l’un ou l’autre cas, le philosophe est et
demeure un être étrange et étranger.
[10] Maurice Merleau-Ponty
(1908-1961) dans son ouvrage Éloge de la
philosophie l’exprime ainsi : « Le philosophe moderne est souvent
un fonctionnaire, toujours un écrivain (…) Sans les livres, une certaine
agilité de la communication aurait été impossible, et il n’y a rien à dire
contre eux. Mais ils ne sont enfin que des paroles plus cohérentes. Or la
philosophie mise en livres a cessé d’interpeller les hommes. Ce qu’il y a
d’insolite et presque d’insupportable en elle s’est caché dans la vie décente
des grands systèmes (L’ « immunité littéraire ». Éloge de la
philosophie, p. 48.
[11] Cf.
Ibidem, p. 61: « La philosophie
nous éveille à ce que l’existence du monde et de la nôtre ont de problématique en
soi, à tel point que nous soyons à jamais guéris de chercher, comme disait
Bergson, une solution dans le cahier du maître ».
[12] Cf.
Ibidem, p. 11: « Ce qui fait le philosophe, c’est le mouvement qui
reconduit sans cesse du savoir à l’ignorance, de l’ignorance au savoir, et une
sorte de repos dans ce mouvement ». Karl Jaspers exprime aussi une pensée
similaire dans son ouvrage Introduction à
la philosophie
[13]
À ce propos Merleau-Ponty écrit: « Ce qui fait le philosophe, c’est le
mouvement qui reconduit sans cesse du savoir à l’ignorance, de l’ignorance au
savoir, et une sorte de repos dans ce mouvement ». Éloge de la philosophie, p. 11. Jaspers abonde aussi dans le même
sens: « Si quelqu’un pense voir clair en tout, ce qu’il a cessé de
philosopher ». Introduction à la
philosophie, p. 175.
[14] « Personne
n’échappe à la philosophie » (…) « Les philosophies et les
philosophes se contredisent encore aujourd’hui. Mais il n’y a pas d’autre
alternative à la philosophie. Les grandes questions de la philosophie sont en
même temps les questions de l’homme, ce problème ambulant, et les philosophies
agissent dans l’histoire comme une dynamite, elles causent des changements, des
ruptures, des révolutions ». JASPERS, K., Introduction à la philosophie, p.
[15] Jaspers
affirme que « seuls les enfants et les fous disent la vérité ». Avec
cette thèse, il faut ainsi penser qu’avec l’âge, l’être adulte entre
progressivement dans le cachot des conventions et des conceptions, des dérobades
(Verdeckungen) et des réserves et perd par le fait même la liberté propre de
l’enfant . Par contre chez l’enfant et le fou, l’on assiste à un phénomène
étrange : c’est comme si les chaines du camouflage général éclatait afin
de laisser jaillir la vérité. Introduction à la philosophie, p. 8 ss. L’on se
trouve ainsi face à un étonnement (début de la philosophie) devant le mystère
d’être soi-même et pas un autre, devant l’infini des questions existentielles,
devant l’existence elle-même, devant le vertige et l’angoisse face á l’être
fluctuant et passager de l’homme et des choses.
[16]
« La seule question que l’on devrait se poser consisterait á savoir si
cette philosophie est consciente ou non, si elle est bonne ou mauvaise, floue
ou claire, limpide. Celui qui refuse une philosophie accomplit á son tour une
philosophie sans le savoir ». JASPERS, K., Introduction à la philosophie,
[17] L’expression
est de Louis Raeymaeker dans un ouvrage très ancien, mais qui garde encore son
actualité sur plusieurs points. Introduction
à la philosophie, Éditions Universitaires, Bruxelles, 1944, p. 8.
[18] « La
locution rebattue de „Philosophie occidentale“, européenne“ est en vérité une
tautologie. Pourquoi ? Parce que la philosophie est grecque dans son être même
grec veut dire ceci : la philosophie est, dans son être originel, de telle
nature que c’est d’abord le monde grec et seulement lui qu’elle a saisi en le
réclamant pour se déployer, elle est relayée par des représentations relevant
du christianisme (époque de son règne moderne et européen) » (…)
« L’affirmation la philosophie est grecque dans son être propre ne dit
rien d’autre que : l’Occident et l’Europe sont, et eux seuls, dans ce
qu’il a de plus intérieur leur démarche historique et originellement
philosophiques. C’est ce qu’attestent la naissance et la domination des
sciences. C’est parce qu’elles prennent source dans ce qu’a de plus intérieur
la marche historique de l’Occident européen, entendons le cheminement
philosophique, c’est pour cela qu’elles sont aujourd’hui en état de donner à
l’histoire de l’homme sur toute la terre l’empreinte spécifique » (…)
« même la manière de poser la question est grecque : comment,
qu’est-ce que, ti esein ! » Qu’est-ce que la philosophie ? , p.
10-18.
[19] Cf. DIRVEN, E., Op. Cit., p. 9.
[20]
Pour ce point, nous suivons pas à pas l’ouvrage déjà cité de Louis
Raeymaerker.
[21] L’on
peut ainsi comprendre la prégnance et l’influence du milieu sur chaque être
humain étant que dans la croissance et le développement nos premiers contacts
et soutiens proviennent de notre milieu, de notre peuple, de notre culture.
Toute vie humaine passe par une société concrète (socialisation) et un
enseignement
[22] www.
Harrystaut.fr
[23] L’homo
sapiens développe cet esprit critique, quand il procède dans sa vie et son agir
avec prudence et discrétion ; quand il ne croit pas aveuglement à tout se
qui se présente face à lui ni se fie aux apparences ; quand il se méfie de
la première impression et évite de se laisser aveugler par l’intérêt ou la
passion ; quand il développe un jugement impartial et pratique
continuellement un examen consciencieux.
[24] Cf. RAEYMAEKER, L., Op. Cit., p. 6.
[25] Le privilège accordé á la
catégorie qualitative montre en fait que dans la recherche de la connaissance,
on élève davantage le coefficient de vérité des connaissances pour les établir
par après avec certitude.
[26] RAEYMAEKER, L., Op. cit., p. 7 : « la science
est centrée sur le vrai et non sur l’utile ».
[27] Ibidem. « Ce souci de méthode s’accompagne d’un esprit
critique toujours en éveil. Il faut établir la valeur de la méthode et de ses
principes ; ne l’appliquer qu’à bon escient, vérifier et discuter les
circonstances, et procéder aux corrections, s’il y a lieu ».
[28] « Objectivité et désintéressement,
esprit critique et souci de méthode, essai de systématisation, telles sont les
propriétés essentielles de la science dans sa poursuite de la vérité et de la
certitude ». Ibidem.
[29] Ici
se vérifie l’adage selon lequel « Intelligentia, ancilla vitae ».
[30] Ici, on peut se
référer à notre conférence « La théorie éthique de Hans Jonas. Entre
rationalité théorique et rationalité pratique » donnée au Cercle de
Philosophie Pratique (CEPHIPRA) de la Faculté de Philosophie de l’Université
Catholique du Congo (UCC). Tout en partant de Hans Jonas, l’arrière fond
argumentatif de cette conférence n’était rien d’autre que la réalité africaine
(surtout congolaise) dans laquelle se trouve, de façon saignante et criante
(selon nous), cet écart de rationalité. Alors pour faire face à cette réalité
tragique, nous proposons ce juste milieu entre les deux rationalités. Il est
évident que la réflexion doit encore s’approfondir pour atteindre pleinement
cette finalité.
[31]
En effet, au-delà de ces efforts d’engagement dans des voies scientifiques, ces
peuples demeurent enrobés dans l’utilitarisme et l’empirisme du savoir
ordinaire des hommes et ne se haussent guère au plan de la recherche objective
(rationnelle), désintéressée et méthodique (penser à l’arithmétique
égyptienne).
[32] RAEYMAEKER, L., Op. cit., p. 9.
[33]
Note sur l’indépendance et le caractère abstrait des mathématiques. Dans cette
Antiquité grecque, les math. occupent une place spéciale et ses connexions avec
les autres sciences ne s’aperçoivent que malaisément. Si la physique et la
métaphysique étudient, chacune à son point de vue, la réalité des choses, les
math. quant à elles, s’occupent
formellement de la quantité qu’après l’avoir abstraite de son objet réel. En
effet, les notions mathématiques fondamentales sont maniées sans que l’on
tienne compte de leurs rapports avec la réalité. C’est dire que de soi, les
math ne sont pas tournées vers l’explication réelle des choses. Elles
s’accommodent du fictif tout aussi du réel. C’est ainsi que dans leur repli sur
elles-mêmes, les math. ont mené une existence indépendante qui leur a fait
atteindre dès l’Antiquité, un degré de perfection remarquable grâce à la
méthode déductive (caractère déductif). Les math sont ainsi intelligibles, i.e
régies par uniquement par l’inéluctable nécessité rationnelle et affranchies, autant
que faire se peut, des contingences de l’expérience. Outre les math, il y a
aussi d’autres sciences dans cette Antiquité qui ont voulu essayer de se
détacher de l’ensemble. Tel est le cas,
par exemple, de l’astronomie, de la mécanique et des sciences naturelles). Ce
mouvement vers l’autonomie reprit á la fin du Moyen âge et se poursuivit
jusqu’à nos jours. Cf. Ibidem, pp.
11-12.
[34] RAEYMAEKER, L., Op. cit., p. 15.
[35] Ibidem, p. 16.
[36] Anciennement,
la philosophie (en tant que science de tout) est un système de connaissances
méthodiquement acquises fournissant l’explication raisonnée de l’univers.
[37] RAEYMAEKER, L., Op. cit., p. 17. On peut ainsi comprendre la
naissance de nouvelles disciplines au sein même de la philosophique comme la
philosophie de la technique (technologie/technoscience), la philosophie
biologique, l’éthique écologique, animale, etc. C’est donc aussi dans le souci
de dialoguer avec les autres sciences afin de fructifier davantage la
complémentarité et l’interdisciplinarité au sein du pluralisme mondial et
scientifique actuel.
[38] RAEYMAEKER, L., Op. cit.,
p. 18.
[39] Ibidem.
[40] Cf.
JEAN PAUL II, Fides et Ratio. Lettre Encyclique sur les
rapports entre la Foi et la Raison du 14 septembre 1998, Kinshasa,
Mediaspaul, 1998
[41] RAEYMAEKER, L., Op. cit., p. 24.
[42] Nous
suivons ici le cours d’introduction á la philosophie de Ntima.
[43] MERLEAU-PONTY, M., Op. Cit., p. 20.
[44] Ibidem, p. 57.
[45] NOIRAY,
A., « Historique. L’idée de la philosophie depuis Hegel », in
Collectif, La philosophie, Lille,
1969, p. 214.
[46] JASPERS, K., Op. Cit., p. 3, 167,
202-3.
[47]
WEIL, E., Hegel et l’État. Cinq conférences,
Paris, Vrin, 1974, 104. M. Merleau-Ponty
abonde aussi dans le même sens, quand il affirme que le philosophe est l’homme
qui s’éveille et qui parle, et l’homme qui contient silencieusement les
paradoxes de la philosophie, parce que pour être tout-à-fait homme il faut être
un peu plus et un peu moins qu’homme.
[48] WEIL,
E., Philosophie politique, Paris, Vrin, 1984, p. 11. 59).
[49] Cf.
GUIBAL, F., „Dimension du pensée hégélien », Cité par Ntima, p. 8.
[50]
Les termes philosophia, philosophos,
ne sont pas chez Homère, ni chez Hésiode. Chez ces eux, le terme Sophia
signifie indistinctement sagesse et habilité. Hérodote emploie le terme philosophein pour désigner la culture de
l’esprit, l’exercice d’un effort pour acquérir des connaissances nouvelles. Il
rapporte que Cresus dit à Solon : « J’ai entendu que tu avais
parcouru beaucoup de pays en philosophe (…) pour les observer » (Hist. I,
30). Ce sens général du mot se retrouve aussi chez d’autres auteurs comme
Thucidide (Guerre du Péloponèse, II,
40) et Isocrate (Panégyrique d’Athènes,
I). D’après Cicéron, c’est Pythagore () qui aurait été le premier à donner un
sens plus précis au concept de Philosophie. Une confirmation de cette thèse
provient de Diogène Laerce. Celui-ci rapporte que, selon Pythagore, la qualité
de sage ne convient à aucun homme, mais á Dieu seul. L’homme, en revanche, doit
se contenter « d’aimer et de poursuivre la sagesse ». (mettre la référence)
On ne peut guère se fier á cette tradition pythagoricienne. Par contre, il
semble qu’Héraclite dans ses fragments (85) a parlé de philosophe. À l’époque
des Sophistes et de Socrate, le terme Philosophia
s’emploie pour désigner l’exercice systématique de toute connaissance
théorique. Ainsi á partir de là, le sens du mot a évolué et s’est précisé. Cf. RAEYMAEKER, L., Op. cit., p. 2.
[51] KINYONGO,
Jeki Jean, Épiphanies de la philosophie
africaine et négro-américaine. Débats sur leur essence et leur existence,
Munich-Kinshasa-Lubumbashi, 1989, p. 19. Heidegger va aussi dans le même sens
quand il affirme que Philosophos est
opposé à Philarguros, i.e. celui qui
aime (qui a l’amour de) l’argent. Le Philosophos est celui qui aime le Sophon. Mais aimer le Sophon ne signifie rien d’autre qu’homologein, i.e. « parler comme parle
le logos » ; en d’autres
termes, correspondre au logos dans l’harmonie, l’accord. Cf. HEIDEGGER, M. Qu’est-ce qu’est la philosophie, p.
35.
[52]
Cf. C’est de Paul Gilbert, dans son livre Une
sagesse plus pratique que théorique, (p.4) que nous tirons ces
explications.
[53] ARISTOTE,
Métaphysique , A, 2, 982a 7-19.
[54] Ibidem.
Lire également NKERAMIHIGO, T., Op. Cit,
p. 25-28.
[55] KINYONGO
JEKI, cité par Ntima, p. 10.
[56]
PLATON, Phèdre, 278 d.
[57]
PLATON, Théétète, 145 e ; La République, 619 d ; Sophiste, 253 e ; Phédon, 67, e.
[58]
On peut, à ce niveau, se référer à Pythagore (569-494 av. J.-C. env.) qui
interdisait á ses disciples de se nourrir d’œufs et de croquer les fèves
(plante légumineuse dont les graines se consomment fraîches ou conservées sèches).
Diogène de Sinope (surnommé le Cynique ou le philosophe aux pieds nus 413 à
Sinope – 327 Corinthe av. J.C.) (ou qui
dort dans un tonneau.
[59]
L’on peut ici renvoyer aux moines du M.A avec leur « philosophie selon le
Christ » considérée comme la vraie philosophie.
[60]
Dans la Crise du Muntu, le philosophe camerounais Fabien Eboussi Boulaga,
décrit l’idéologie comme étant un système (explicite et se voulant cohérent)
d’idées originales considérées et présentées comme « rationnelles et
raisonnables », mais dont les ressorts effectifs et les présupposées
fondamentaux se trouvent ailleurs que dans ce discours explicite. Cf. Le
chapitre sur la crise des idéologies.
[61]
Le but de la philosophie
est de conduire l’esprit jusqu’au point où l’individu reconnaît que la vérité
et la bonté ne sont pas en notre libre possession que nous ne pouvons pas nous
en rendre maîtres et qu’il nous faut donc engager pour pouvoir accueillir ce
qui nous transcende. cité par NTIMA dans son cours, p. 11.
[62]
Avec cette intégration, on peut comprendre le caractère infini du discours
philosophique. En effet, celui-ci est toujours en recherche
d’approfondissement.
[63]
RAEYMAEKER, L., Op. cit., p. 26.
[64]
Ibidem.
[65]
Pour ce deuxième point, nous inspirons largement du cours d’Introduction à la philosophie d’Hélène
Laramée, Québec, Chenelière, 3 è édition, 2007, pp. 7-12.
[66]
Les exemples suivants peuvent confirmer cette thèse : Aristote se disait
philosophe même quand il étudiait l’anatomie des animaux ou qu’il répertoriait
les différents types de constitutions politiques existantes.
[67]
HERSCH, J., L’étonnement philosophique.
Une histoire de la philosophie, Paris, Gallimard, 1993, p. 11.
[68]
Le terme Épistémologie vient de deux mots grecs: epistêmê (science, connaissance) et lógos (discours rationnel, théorie,
étude). L’épistémologie est donc la théorie de la connaissance ; c’est un
questionnement sur l’accessibilité de l’être humain à un savoir vrai.
[69]
Il y a des critères que l’on peut acquérir pour obtenir ou même unir ces
différentes propositions à l’intérieur du discours. Ce dont s’occupe la
logique.
[70]
RAEYMAEKER, L., Op. Cit., p. 64.
[71][71]
Cf. LARAMÉE, H., Op. Cit., p. 10. La philosophe
donne l’exemple suivant : Je suis enseignant, je suis né en 1963, je suis
d’origine congolaise. Cette présentation se comprend facilement. Mais affirmer
« je suis », « j’existe » conduit directement á la question
« qu’est-ce que cela signifie ? ».
[72]
Cf. Ibidem.
[73]
Par exemple, comment s’opère la reproduction de telle espèce animale ?
[74]
À la question, par exemple, qu’est-ce qu’est essentiellement Mbungu ? »
L’on répondra, « Mbungu reste essentiellement un être humain, de sa
naissance jusqu’à sa mort, même s’il change de profession, s’il subit un
accident et perd l’usage de ses bras, s’il vieillit ».
[75]
Mbungu appartient au genre animal et à l’espèce humaine.
[76]
Par exemple á la question: „Pourquoi le nouveau-né recherche-t-il la présence
de sa mère ? » On répondra : « pour se maintenir en
vie ».
[77]
Par exemple de manière générale, les biens matériels seront considérés comme
ayant moins de valeur que ceux qui se rapportent à la qualité de nos relations.