vendredi 27 février 2015

HUMANITE ET HABITUDES. (un projet de publication, mais problème financier) APPEL A AIDE FINANCIER POUR REALISER CONCRETEMENT CE PROJET DEJA ACHEVE

HUMANITÉ ET HABITUDES
Essai d'anthropologie  humaniste
         
                     
Jean Louis AKPOA BODOKOBUNI










INTRODUCTION
Y a-t-il donc quelque chose que nous ne faisons pas par habitude ? Si oui, que ne faisons-nous donc pas par habitude ? Dès que nous nous proposons une réalisation, nous cherchons immédiatement les manières habituelles pour y parvenir. Les habitudes nous permettent d’agir dans la sûreté de l’esprit qui écarte les évènements insolites et inattendus. Les habitudes nous allègent les tâches, elles simplifient et clarifient les projets apparemment complexes.
Mais si alors l’habitude nous  a rendus habiles à surmonter certaines difficultés de la vie, si l’habitude nous a rendus capables de nous adapter face aux différents réalités négativistes, il reste aussi vrai qu’elle nous ait appris à ignorer notre nature. Elle nous a appris à nous taire sans le vouloir. L’habitude nous absorbe, elle nous assujettit, elle nous gouverne, mais elle nous rend aussi moins inventifs.  Au-delà des  opinions courantes qui appuient  plutot exagérément ses aspects positifs (parce qu’habitués, nous sommes devenus plus habiles à réaliser certaines fins), ce phénomène pseudo-positif réclame quand même élucidation. Que veut dire l’habitude ?
Répondre à une telle question n’est pas compliqué du tout parce que l’habitude nous a appris à répondre aux questions les plus difficiles par des savantes formules connues de tous. Le sens commun nous poussera certainement à répondre par la manière la plus connue de tous : l’habitude est une seconde nature.  Il s’agit là d’une formidable formulation du sens commun, malheureusement qui, sous sa magnifique intelligence commune, ne cache en gros qu’une effroyable inintelligence. Que voulons-nous dire exactement lorsque nous parlons d’une seconde  nature ? 
Depuis que la grande question était posée (à savoir Qu’est-ce l’habitude ?), nous nous sommes de suite plongés dans une digression de la question en cherchant une échappatoire dans les habitudes. Revenons-y quand même! Décidément, Que veut dire habitude ?  S’agit-il d’une simple  manie qui, pour un genre de situations, nous a rendus habiles à les surmonter par force de répétition ? Serait-ce la trajectoire imposée par l’imitation issue de l’héritage commun ?  Est-ce le produit de notre préférence par rapport à l’activité ? Ou alors l’habitude veut dire autre chose ? Si donc nous ne savons pas nous-mêmes ce que veut dire habitude, il se révèle non seulement non justifié, mais encore absurde (non-sensé) que nous ayons basé la plupart des actions de notre vie sur un principe ou un fondement incompris, à savoir l’habitude.
Nous rendant compte, de façon insolite, que le point de départ de nos actions  est faussé et que cela nous plonge dans une inquiétude, nous estimons très important de rechercher ce qui peut faire l’essentiel qui puisse tant soit peu guider les principes des actions. Si nous ignorons toujours et déjà le motif de nos actions, il devient alors nécessaire, voire urgent de nous tourner vers ce qui fonde notre nature spécifique et nous la questionner.  Qui sommes-nous donc ? Une nouvelle difficulté encore certes, mais l’habitude nous aidera très vite à prouver que cette question est la plus simple des toutes les questions.  C’est simple ; je suis homme. Encore de plus une merveilleuse réponse. Mais on ne sait pas ce que cela signifie et si elle est assumée. Mais il s’agit encore d’une réponse très générale non précise. Serrons encore la question en le dirigeant vers chacun. Qui êtes-vous? Ici, les réponses deviennent légion. Elles ne tiennent même plus compte de la nature humaine apriorique, mais de la fonction que nous jouons dans la société. Qui êtes-vous? Je suis professeur, étudiant, élève, parent, fils de, fille de… D’ici, nous découvrons déjà une double identité en chacun: en plus d’être humain, nous sommes aussi parent, étudiant, professeurs, fils, élève...Toutes ces réponses sont peut-être nécessaires pour nous présenter de façon spectaculaire, mais pas pour répondre à une question ontologiquement précise et sérieuse. Ces réponses ne sont que des manières de nous dissimuler et de nous noyer dans l’anonymat de la société. Mais elles ne sont quand même pas inutiles. Serrons encore les choses pour prouver ce que nous voulons ici soutenir.
Que veut dire être parent? Est-ce le fruit du simple fait de pouvoir enfanter? Est-ce par ailleurs le fait de nourrir ou d prendre une personne en charge? Est-ce encore le fait d’avoir autorité sur des jeunes? Est-ce la capacité de donner un nom à un bébé? Ou alors être parent veut dire autre chose! Que veut dire être professeur? Serait-ce le seul fait d’avoir accès à se tenir devant un groupe de jeunes désirant de connaître? Est-ce seulement le fait d’avoir accumulé quelques diplômes et grades académiques? Est-ce le seul fait d’être un homme intelligent? Etre professeur est-il le mérite de se promener toujours véhiculé et avoir des villas? Ou alors être professeur veut dire autre chose! Que veut dire être étudiant? Être étudiant est-ce le seul fait d’avoir accès au milieu académique? Est-ce le fait de pouvoir s’exprimer en français ou en langue de l’élite? Est-ce par le fait de payer le minerval? Est-ce par le fait d’être de vouloir chasser l’ennui en étant ensemble avec les copains?  Ou alors être étudiant veut dire autre chose! Il en est également d’autres fonctions dont nous sommes capables d’assurer.  Il se révèle  de façon curieuse que ce que nous sommes chaque fois nous est parfaitement étrange et étranger.
Il devient évident de remarquer avec Saint Augustin que ce qui est le plus proche de nous est de loin le plus inconnu. Mais qu’est-ce qui est alors proche de nous sinon nous-mêmes? Nous sommes les plus proches de nous, mais nous le ‘trivialisons’ chaque fois parce que nous n’y pensons presque pas sinon avec précipitation. Mais qu’est-ce qui, justement, est à la base de cette ignorance de nous-mêmes dans nous-mêmes? N’est-ce pas la seconde nature issue de l’habitude? N’est-ce pas tourner le dos à la raison? N’avons-nous pas renversé les priorités des choses provoquant ainsi les déviations dans nos sociétés? D’où viennent les crises de guerre, de corruption, d’échec de nos aspirations, d’injustice, de prostitution, de favoritisme…?   
Nous avons appris (et ce verbe est significatif) à dire que nous sommes hommes, mais nous ignorons également ce que cela veut dire. Nous avons appris à dire que nous sommes parents, mais nous ne savons pas exactement ce que parent veut dire exactement. Nous avons pris l’habitude de nous faire appeler étudiant (nous en sommes surtout fiers en le confondant avec une caste de luxe),  mais si nous en savons la signification, ce n’est que d’une façon habituelle et commune.  Même les professeurs nous donnent cette impression, ils acceptent le nom des professeurs, mais n’arrivent pas à nous montrer la pertinence et le contenu consistant de ce nom (peut-être qu’ils le font par négligence ou par ironie négative). Nous nous retrouvons également devant des hommes qui se réclament membres constitutifs  du gouvernement (majorité ou opposition), mais nous donnent la conviction qu’ils veulent ou préfèrent fermer les yeux sur ce qu’est le rôle d’un organe politique. Nous voyons des prêtres, des consacrés, des pasteurs, des serviteurs de Dieu (telle est la manière par laquelle ils aiment être appelés) qui sont tombés dans les habitudes regrettables.
Par delà tout, il existe aussi des hommes qui réclament d’être appelés aînés, papa, maman (ou veulent alors le devenir), mais ne savent pas encore ce que tout cela implique personnellement. La plupart de notre vie nous met devant des expériences qui plongent dans l’angoisse. Nous voulons conduire la vie comme on le fait souvent, tel est le nouveau défi à relever aujourd’hui par l’homme.
  Si donc nous avons appris à conduire notre vie par un principe de banalité sociale (banalité qui s’exprime par l’habitude et la routine), il est clair  et non regrettable que nous recueillions aussi des résultats insolites. Si nous ne savons pas nous même ce que nous sommes souvent et toujours, que pouvons savoir d’autre? Ou alors, comment pourrions-nous nous réaliser?
 Nous ne voulons pas par là soutenir une connaissance universelle de l’homme; d’ailleurs c’est là notre réfutation essentielle. Nous ne voulons pas que je puisse me connaître comme tout homme. C’est la fuite de l’identité personnelle. A ce niveau là, nous ne nous connaîtrons que comme tout le monde devait se connaître. Autrement, nous allons nous connaître enfants comme tout autre; nous sommes parents comme tout parent, étudiant comme tout étudiant… C’est l’intelligence commune que nous ne cessons de condamner. Il faut maintenant que l’homme, tel homme revienne à lui-même, qu’il puisse se connaître dans soi-même; connais-toi dans toi-même.  Qui dit que nous devons être parents, étudiants, élèves,... comme l’habitude nous contraint de l’être? Et si cette habitude n’a aucun fondement vertueux et humain? Pourquoi les choses doivent-elles toujours aller comme d’habitude l’exige? N’avons-nous pas aussi la capacité (ce terme je recommande également) de changer rationnellement et positivement les habitudes? Ne sommes-nous pas nous aussi créatifs et critiques?
 Cette capacité est inhérente à toute l’espèce humaine, nous l’avons chaque fois, même quand nous ressentons l’incapacité de nous réaliser, c’est seulement un possible jugement sur nous-mêmes qui nous en empêche, mais nous ne sommes pas pour autant foncièrement incapables! La capacité de l’homme réside dans la pensée, la réflexion,...la raison. C’est ce principe fondamental qui nous définit. Il nous est inné, mais demande d’être interpellé et réactivé. C’est dire que nous avons aussi la capacité de transformer la raison.  Nous pouvons soit la cultiver, soit lui tourner le dos en acceptant absolument les  habitudes héritées sans examiner minutieusement, soit seulement accepter de vivre ou de survivre sans nous préoccuper si la raison est importante ou pas dans notre existence. Là, la vie n’a pas son sens, rien à poursuivre de bon ou de mauvais, l’important est que je vive sans me demander comment et dans quelles conditions je dois vivre. La vie que nous voulons vivre se trouve toujours en nous et dans nous.  Elle est toujours donnée, mais beaucoup ne le savent pas en la cherchant ailleurs. La vie n’est qu’un cadeau, mais toujours à déformer. Un cadeau nous est toujours donné, il faut le façonner en lui donnant une signification. Il nous appartient donc à nous (et pas à un autre) dans notre statut social de la transformer. Tout doit partir de notre intérieur, de notre réflexion et de notre situation. Nous sommes nous-mêmes nos vrais problèmes. Nous le sommes toutes les fois que nous les avons camouflées et projetées sur autrui. Autrui peut être saisi soit dans l’immanence (et là, c’est le prochain), soit dans la transcendance (Dieu, le hasard, la divinité). Mais toutes ces formes d’altérités restent altérités, l’altérité reste altérité. Nous ne pouvons pas soutenir que le hasard ou la chance soient des motifs décisifs de la vie. Dire par exemple que nous n’avons pas eu de la chance de… c’est penser que nous sommes condamnés dans une série de situations qui ne peut jamais dépendre de nos capacités et de nos efforts. La chance n’existe pas (surtout pour l’action). Quand nous parlons de chance dans notre activité, nous voulons tout simplement justifier notre mauvaise réalisation, insuccès ou échec de préparation sérieuse et rigoureuse. Croire à la chance, c’est se condamner dans une dépendance  d’existence du hasard qui doit se dérouler et faire du travail là où j’aurais dû agir.  L’échec peut être rationnellement justifié, mais non en le fondant sur un principe irrationnel et absurde.  L’erreur est humaine, dit-on. Il est humain de se tromper, mais inhumain de se tromper consciemment. A quel niveau au fait l’erreur est-elle humaine et acceptable? En effet, j’ai l’intime conviction que l’erreur n’est humaine que lorsque nous la reconnaissons. Par le fait même, l’existence de l’erreur ne prend son fondement que parce que nous n’avions pas compris. Si quelqu’un vous trompe une fois, il a totalement tort et vous avez la pleine obligation de l’en accuser et de vous en plaindre. Mais si la deuxième tromperie vient de la même personne ou de la même manière, vous êtes, vous le trompé, blâmable. Il reste inhumain de se tromper consciemment. Se tromper consciemment commence lorsque nous jugeons mauvais un acte, mais nous l’accomplissons à cause de l’habitude ou  parce que nous sommes coincés par le on. Nous devons éviter de faire de tous nos comportements des habitudes. Et de toutes nos manières des habitudes.
  Si donc jusqu’à présent, le terme « habitude » revient le plus souvent dans notre discours, il est en fait évident qu’il doit être fortement haïssable dans sa conception courante et banale; qu’il s’agisse des actions vertueuses ou des actes pervers. Dieu nous a donnés la liberté la faculté de bien la contrôler, il nous a donnés aussi l’intelligence et l’inventivité. Devrait-il être content (et nous rendons ici Dieu anthropomorphe) s’il se rendait compte que ces facultés sont inusitées et que dans certaines nations et régions, ces facultés sont utilisées en bon escient?  Il nous le ravirait certainement! Au fait, Dieu sait tout cela, nous n’avons fait qu’une supposition.  Dieu nous a donnés la liberté devant certaines situations ; il nous comprend pour autant. Peut-être que c’est nous qui ne comprenons pas encore qu’il nous comprend parfaitement. Le danger que nous parcourons est que nous cherchons à comprendre Dieu, à lui attribuer des prédicats… Ceci est aussi une habitude actuelle: les hommes pensent avoir compris Dieu, ce qui est impossible. Dieu reste inconnaissable, indicible comme le dirait Ludwig Wittgenstein. Dieu ne peut pas non plus être obstacle pour l’homme. Que ce soit pour le musulman, pour le païen, le chrétien, les croyants, les non-croyants… D’ailleurs nous croyons Dieu, aux forces occultes et aux divinités par l’habitude, nous prions par habitude, nous adorons les idoles par habitude, nous étudions par habitude, nous avons appris à marcher par habitude, nous nous promenons par habitude, nous trichons par habitude, nous mentons par habitude, ...bref, nous avons appris à faire tout par la simple habitude.  L’habitude nous est tellement supérieure qu’il nous est impossible de nous en dérober.
L’habitude est le fond sur lequel nous fondons la plupart de nos habitudes. Elle est la matrice des matrices parce que nous naissons tous politique, comme clamait Aristote: l’homme est l’animal politique. L’habitude ne doit pas être sabotée, niée ou refusée, mais identifiée, perçue si elle peut nous conduire à a vertu ou non. L’habitude ne doit pas être inconsciente. Elle ne l’est que dans la mesure où nous l’avons intériorisée dès le jeune âge. Mais à l’âge de la raison, il n’est pas possible d’avoir inconsciemment des habitudes. Nous devrions conjuguer des efforts pour reconnaître et identifier nos habitudes, sinon elles nous rendent totalement absurdes, indifférents à notre nature: nous sommes toujours et déjà des êtres rationnels ; il ne faut pas que nous nous en passions comme un fait secondaire ou moins nécessaire. C’est là l’engagement naturel (qui d’abord ne dépend pas de nous mais finit par dépendre de nous) est l’humanité, humanité dans notre nature, humanité dans notre agir, humanité dans notre quotidien…

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